Retour sur Africa Check

Covid-19 : pas de vaccination ni d'enfants morts en Guinée

Cet article date de plus de 3 ans

La pandémie de la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) qui a causé plus de 190 000 décès dans le monde à la date du 24 avril 2020, s’accompagne d’une vague de désinformation.

Des fausses rumeurs persistantes sur des essais de vaccins contre cette maladie, qui seraient déjà effectifs en Afrique, installent la psychose dans plusieurs pays.

En Afrique francophone, ces fausses rumeurs avaient notamment pris de l'ampleur après un échange télévisé entre deux scientifiques français s'interrogeant sur l'opportunité de tester en Afrique un vaccin contre le coronavirus.

Africa Check a récemment démonté des rumeurs faisant état de vaccinations contre la Covid-19 au Sénégal, en Afrique du Sud et au Mali.

Cette fois, une vidéo publiée sur YouTube, le 10 avril 2020, prétend montrer les conséquences d’une campagne de vaccination contre la Covid-19 en Guinée.

Sista Shanice, la présentatrice, soutient que les Occidentaux ont mené cette campagne de vaccination qui a fait deux morts parmi des enfants d’un village guinéen.


Une traduction avec des propos déformés


Dans le texte descriptif de la vidéo, il est écrit que « deux médecins français ont mis en œuvre en Guinée un essai de vaccination qui a tué deux enfants et laissé d’autres gravement malades ».

L'animatrice, s'exprimant en anglais, a fait intervenir au téléphone une autre personne, Taiwo Orishayomi qui traduit en anglais le contenu d'un reportage réalisé en français et utilisé comme preuve de cette campagne de vaccination ayant fait deux morts parmi des enfants d’un village guinéen.

En traduisant les propos d'une des personnes interviewées dans ledit reportage, Taiwo Orishayomi rapporte que « deux médecins français sont venus pour vacciner les enfants à l'école ». Des propos qui n'ont pourtant pas été tenus par la personne à qui ils sont attribués.

Africa Check a tenté d’entrer en contact en vain avec Sista Shanice. Nous avons aussi transmis des courriels à Taiwo Orishayomi qui n’a pas encore réagi à nos questions portant sur l’origine de la vidéo et sur les bases sur lesquelles elle a affirmé qu'il s'agit d'une campagne de vaccination contre le nouveau coronavirus en Guinée.

Une vidéo qui remonte à mars 2019


Nous avons retrouvé le reportage en question sur Facebook. Il avait déjà été publié le 18 mars 2019 sur la page de la chaîne de télé Gangan RTV : il fait état d’une « manifestation de rue spontanée à Dubréka (Ouest) », engendrée par une « campagne de vaccination ».


Gangan RTV revient sur la situation


Africa Check a contacté la rédaction de Gangan RTV. La chaîne indique que « cette vidéo a été réalisée le 18 mars 2019. Elle porte sur des cas de malaise enregistrés à l'époque à la suite d'une campagne de vaccination dans des écoles ».

« Le lendemain, nous avons contacté le ministère de la Santé qui nous a laissé entendre que les enfants qui ont eu ces malaises n'avaient pas déjeuné avant de prendre le vaccin (praziquantel et mebendazol) ou ils ont mis du temps entre le déjeuner et la prise des produits », explique le média.

L’information avait aussi été diffusée par d’autres médias guinéens, dont Journaldeconakry, qui avait rapporté des propos attribués au directeur de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire de Guinée indiquant « qu’il ne s’agit pas d’une campagne de vaccination, mais plutôt d’une campagne de distribution de médicaments contre un parasite ».

(Note: praziquantel et mebendazol ne sont pas des vaccins mais des déparasitants)

L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) indique que les vaccins, qui stimulent le système immunitaire, prémunissent la personne d’une infection ou d’une maladie.

L’OMS axe sa stratégie de lutte contre la schistosomiase (ou bilharziose) – une maladie chronique provoquée par des vers parasites – au moyen de « traitements » au praziquantel. Aussi, l'OMS souligne que le mebendazol est un des médicaments recommandés pour le « traitement vermifuge » pour lutter contre les conséquences sanitaires et nutritionnelles des géohelminthes qui sont dues à différentes espèces de vers parasites.


Par ailleurs, Gangan RTV a publié, sur sa page Facebook, une « mise au point » dans laquelle la chaîne de télévision dit regretter « que certains internautes se permettent, depuis lundi 6 avril 2020 , d'utiliser un de (ses) anciens reportages pour faire croire à l'opinion qu'il y a eu ces dernières heures des cas de malaise dus à une campagne de vaccination dans des écoles de Dubréka ».


La version des autorités médicales


Nos recherches sur Internet ont confirmé que le ministère guinéen de la Santé avait reconnu une communication insuffisante autour du praziquantel, après l’incident à Dubréka.

Nous avons également retrouvé un reportage de la chaîne de télévision TV5 relatant l'incident. Là non plus il n'a pas été question de vaccination, encore moins de médecins français.

Africa Check a contacté l'Agence nationale de sécurité sanitaire de Guinée qui explique qu'il ne s'agissait pas de vaccination mais d'une campagne d'administration d'un déparasitant, praziquantel, au niveau des écoles du pays. Selon l'agence, les enfants qui ont eu des malaises n'avaient pas mangé avant de prendre le médicament.

C'est la même version qui nous a été servie par le journaliste Ansoumane Coumbassa, correspondant de la radiotélévision guinéenne (RTG) à Dubréka qui précise qu'à sa connaissance il n'y avait pas eu de morts.

L’Agence nationale de la sécurité sanitaire, l'organe officiel de gestion de la pandémie Covid-19 en Guinée, a indiqué, dans un communiqué daté du 21 avril 2020, que le pays a enregistré un total de 688 cas de Covid-19 dont 127 guérisons et 06 décès.

À ce jour, aucune information officielle et crédible n'a fait état d'une campagne de vaccination contre la Covid-19 en Afrique, ni de cas de décès d’enfants liés au nouveau coronavirus en Guinée.

Conclusion : pas d'enfants morts en Guinée suite à une vaccination contre le coronavirus


Une animatrice d'une chaîne Youtube a affirmé, vidéo à l'appui, que deux enfants sont morts après avoir été vaccinés par deux médecins français contre le coronavirus.

Africa Check a pu déterminer que la vidéo en question est un reportage d'une télévision guinéenne diffusée en mars 2019.

En outre, l'incident relaté dans le reportage n'est pas une vaccination menée par des médecins français, mais une campagne d'administration d'un médicament contre les vers intestinaux.

Republiez notre contenu gratuitement

Veuillez remplir ce formulaire pour recevoir le code de partage HTML.

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
limite : 600 signes
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Voulez-vous continuer à lire nos vérifications des faits ?

Nous ne vous ferons jamais payer pour des informations vérifiées et fiables. Aidez-nous à poursuivre cette voie en soutenant notre travail

S’abonner à la newsletter

Soutenir la vérification indépendante des faits en Afrique