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L’agriculture familiale génère-t-elle 90% des denrées alimentaires en Afrique de l’Ouest ? Oui mais…

Cet article date de plus de 6 ans

Rendant compte d’une réunion du Réseau de prévention des crises alimentaires en Afrique de l’Ouest (RPCA) qui s’est achevée le 12 avril 2017, à Paris, RFI a indiqué que «l’agriculture familiale produit 90 % des denrées alimentaires consommées en Afrique de l’Ouest ».

«Pour Ousseini Ouédrago, secrétaire exécutif du ROPPA, le Réseau des organisations paysannes et des producteurs d’Afrique de l’Ouest, elle est cruciale pour assurer la sécurité alimentaire (…)», a ajouté RFI.

Ce pourcentage correspond-t-il à la réalité ?

D’où est tiré ce chiffre ?


Africa Check a contacté la journaliste auteur de l’article.  Gaëlle Laleix a confié qu’elle a trouvé le chiffre qu’elle a évoqué «dans un rapport d’une fondation contadine [paysane] qui s’appelle Europafrica», avant d’indiquer un lien qui, selon elle, ne fonctionne pas.

Qu’est-ce que l’agriculture familiale ?


Dans son rapport 2014 sur la «situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture» intitulé «Ouvrir l’agriculture familiale à l’innovation », la FAO explique qu’il n’y avait pas une caractérisation précise de l’agriculture familiale.

L’organisation onusienne s’est appropriée la définition validée par le Comité directeur international pour l’année internationale de l’agriculture familiale, célébrée en 2014.

Selon cette instance, «l’agriculture familiale (qui comprend toutes les activités agricoles menées dans un cadre familial) est un mode d’organisation dans lequel la production agricole, forestière, halieutique, pastorale ou aquacole est gérée et exploitée par une famille et repose essentiellement sur une main-d’œuvre  familiale».

«La famille et l’exploitation sont liées, évoluent ensemble et combinent les fonctions économiques, environnementales, sociales et culturelles », ajoute-t-elle.

« 0n compte plus de 570 millions d’exploitations agricoles dans le monde (…). Selon les estimations, elles occuperaient de 70 à 80% des terres agricoles et produiraient plus de 80 % des denrées alimentaires mondiales en termes de valeur », mentionne le Comité directeur.

 

 

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Les exploitations familiales dominent-elles en Afrique de l’Ouest ?


Dans leur plan d’action pour la célébration de l’année internationale de l’agriculture familiale en 2014 au Sénégal,  des organisations de la société civile soulignent qu’à l’heure actuelle, les besoins alimentaires des populations de la région sont satisfaits à 80 % par les productions régionales.

«L’essentiel de la production agricole provient des exploitations familiales de petites tailles qui méritent toujours d’être soutenues par les politiques publiques », indiquent-elles.

En perspective de la formulation de la phase 2 du Programme régional d’investissements agricoles dans chaque Etat membre, la Commission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a tiré, en 2015, le bilan des dix ans de mise en œuvre de sa Politique agricole commune (ECOWAP).

Dans son rapport intitulé «L’agriculture et l’alimentation en Afrique de l’Ouest : mutations, performances et politiques agricoles», l’organisation régionale a reconnu la prédominance des productions familiales.

«On estime en effet que plus de 90 % de la production agricole en Afrique de l’Ouest est le fait d’exploitations dont le capital et la main d’œuvre sont fournis par la famille, sur des structures de production dont la taille est réduite».

Les statistiques sont-elles les mêmes pour tous les  acteurs ?


L’évaluation menée  par la Commission de la CEDEAO a montré que la production de céréales a connu un boom, passant de 16 millions de tonnes en 1980 à plus de 56 millions de tonnes en 2013, en Afrique de l’Ouest.

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Cependant, l’agroéconomiste Jean-Michel Sène de l’ONG EndaPronat a expliqué à Africa Check que le pourcentage de la contribution des agriculteurs familiaux en Afrique de l’ouest varie selon le profil des  auteurs.

«Les acteurs utilisent les statistiques selon leur profil (chercheur, militant), leurs objectifs  de publication, de plaidoyer etc. Ceci fait que d'un article à l'autre, ça change.  L'essentiel est de citer la source de l'information», a précisé M. Sène.

«Parlant de profil des acteurs, a-t-il encore dit, je fais allusion aux organisations de producteurs, aux ONG, à la FAO, à la CEDEAO, aux chercheurs».

«Au niveau sous-régional, il n'y a pas encore un travail scientifique qui fait l’unanimité sur la contribution des exploitations familiales à la sécurité alimentaire. Pour certains, c'est 70%, pour d'autres c'est 80 ou 90%. Je ne suis pas au courant d'une harmonisation au niveau sous-régional’’, a affirmé M. Sène.

En guise d’exemple, l’agroéconomiste cite cet article de Hilal Elwer, rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, «qui parle de 70%"  de l’alimentation mondiale fournie par l’agriculture familiale.

Conclusion : l’affirmation est fondée mais le chiffre varie selon les acteurs


Les exploitations familiales assurent une large production des aliments de base en Afrique de l’ouest. L’information donnée par la radio RFI est confirmée par la Commission de la CEDEAO, à travers le bilan de la Politique agricole commune.

Le taux avoisine celui de la contribution des exploitations familiales à l’alimentation des populations dans le monde livré par la FAO en 2014.

Mais, précise l’agroéconomiste Jean-Michèle Sène, au niveau sous-régional, «il n'y a pas encore un travail scientifique qui fait l’unanimité sur la contribution des exploitations familiales à la sécurité alimentaire ».

«Pour certains, c'est 70%, pour d'autres c'est 80 ou 90%. Je ne suis pas au courant d'une harmonisation au niveau sous-régional’’, a affirmé M. Sène. Selon lui, le chiffre varie en fonction du profil des chercheurs et de leurs objectifs.

Edité par Assane Diagne

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