Beaucoup de pays d’Afrique font des réserves de nourriture suite à des conditions météo imprévisibles, obligeant beaucoup d’entre eux à serrer la ceinture en payant plus cher.
Mais les pays nantis n’ont-ils pas un tout autre problème ? Beaucoup de gaspillages alimentaires avec en conséquence une grande taille ?
Un récent tweet du FoodMentum, un site de plaidoyer contre le gaspillage de nourriture, l’affirme.
« Les ménages européens et américains gaspillent 15 fois plus de nourriture qu’une personne en Afrique », indiquait le tweet.
Nous avons vérifié le chiffre avancé.
Différence entre gaspillage alimentaire et perte de nourriture

Le bailleur de FoodMentum, Maria Huszar, nous a dit qu’elle a tiré le chiffre d’un article sur Foodtank, un centre d’information sur l’alimentation. L’article a employé des mots un peu différents, mais le fond reste le même.
« Un consommateur européen ou nord-américain gaspille 15 fois plus de nourriture qu’un consommateur africain », mentionne l’article.
Mme Huszar a reconnu avoir remplacé « consommateur » par « ménage ». Elle a également mis le Canada à côté des Etats-Unis, mais notre préoccupation consistait à vérifier l’exactitude de l’écart entre ces deux économies industrialisées et l’Afrique.
Il faut noter que le gaspillage alimentaire renvoie à la nourriture jetée à la poubelle soit par les commerçants – supermarchés et restaurants – soit par les consommateurs. C’est différent de la perte de nourriture, qui arrive dans les champs, le transport et du processus de transformation. Ces produits sont perdus à cause de la détérioration ou des imperfections ou à cause des méthodes de production.
La FAO a commandité une étude de référence à la fois sur les pertes et les gaspillages en 2011. Celle-ci conclut que la perte de nourriture par consommateur en Europe et en Amérique du Nord est entre 95 et 115 kilogrammes par an. En Afrique subsaharienne et en Asie du sud et du Sud-est, elle se situe entre 6 et 11 kilogrammes par an.
De prime abord, ces chiffres peuvent sembler clairs, mais ils renferment beaucoup de zones d’ombre.
On peut jouer avec les ratios et obtenir des résultats variant de plus de 15, moins de 15 et environ 15.
De bonnes raisons de laisser les chiffres vagues

Mais par rapport aux propos que nous vérifions, cette étude ne fournit pas une estimation claire du gaspillage de nourriture en Afrique subsaharienne à part. Elle donne une colonne incluant beaucoup de pays d’Asie.
Vacalv Smil, professeur à l’Université de Manitoba, au Canada, nous a indiqué qu’il y a des raisons de laisser les chiffres vagues. Le Professeur Smil, auteur de plusieurs livres et articles sur les rapports entre nourriture, politique, énergie et environnement, a dit qu’il manque beaucoup de données.
«Tous les pays, à l’exception du Japon, n’ont que des données approximatives, dérivées et secondaires sur le gaspillage », a ajouté le Professeur Smil.
Même si des études ont été menées en Europe et aux Etats-Unis, la FAO rapportait en 2013 « qu’il n’y a actuellement pas d’études publiées et disponibles sur la quantité exacte de nourriture gaspillée dans les pays en développement ».
Le professeur Smil a souligné que la différence entre l’Amérique du Nord et l’Europe par rapport à l’Afrique subsaharienne pourrait se situer entre cinq et plus de 12. Tout ce qu’on peut dire, selon lui est que l’écart est grand.
Brian Lipinski, chercherur au World Resources Institute de Washington est du même avis. Il a souligné que le point le plus important est que les pertes d’aliments se produisent de différentes manières.
«Aux Etats-Unis et en Europe, c’est surtout au niveau du consommateur, a-t-il expliqué. Par contre dans des endroits comme l’Afrique, c’est au niveau de la production à raison notamment de facteurs comme les parasites l’absence de stockage adéquat et le manque d’infrastructures ».
Les pays riches « peuvent se permettre de gaspiller » de la nourriture

Pourquoi donc le gaspillage est-il plus important dans les pays plus riches? Comme l’indiquent les auteurs du rapport de 2011, « ces gens-là peuvent simplement se permettre de gaspiller de la nourriture ». .
Ce gaspillage est noté à plusieurs niveaux. Les supermarchés jettent des fruits et légumes qui ont perdu de la fraicheur, en apparence. Les restaurants servent des quantités supérieures à ce que les clients peuvent consommer.
Au niveau domestique, une étude menée au Royaume-Uni a révélé beaucoup d’habitudes qui font que la nourriture a des chances de finir dans la poubelle. Parmi celles-ci il y a le fait d’acheter beaucoup de produits dont on n’a pas besoin et de les jeter dès que la date de péremption s’approche alors qu’ils sont toujours comestibles.
M. Smil a indiqué un problème révélateur - peu de gens cuisinent – « ceux qui ne font pas la cuisine régulièrement ont un faible contrôle sur le contenu de leur réfrigérateur et parviennent difficilement à éviter les pertes, a-t-il dit. Et même quand ils font la cuisine, surtout les célibataires, ils font du réchauffé le jour suivant »
En tout cas, M. Lipinski a indiqué que son groupe ne dit pas que si les Américains et les Européens gaspillaient moins de nourriture cela pourrait aider environ 800 millions de personnes qui ne mangent pas à leur faim à travers le monde. Cela pourrait aider à économiser des milliards de litres d’eau et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais cela ne pourrait rien faire pour améliorer les récoltes et le stockage dans régions comme l’Afrique subsaharienne.
Conclusion : les pays les plus riches gaspillent plus de nourriture que les plus pauvres
Le site de plaidoyer FoodMentum a indiqué que les Américains et les Européens gaspillent 15 fois plus de nourriture qu’un Africain. Le chiffre est plus élevé selon les estimations. Il y a beaucoup d’écarts dans les données. Mais les experts qui ont étudié la question disent que les habitants des pays les plus riches gaspillent beaucoup plus de nourriture que ceux des pays les plus pauvres.
Donc l’affirmation est globalement correcte.
Traduit de l'anglais
Lire la version originale de cet article en anglais sur le site de notre partenaire Politifact.
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