« Dans un pays comme le Sénégal ou dans la sous-région [Afrique de l'Ouest], on estime que le taux de prévalence de la cécité tourne entre de 1 et 1,7 %. Voire 2 %. Ce même taux tourne entre de 0,2 et 0,4 % dans les pays développés », a dit Dr Boubacar Sarr, ex-coordonnateur du Programme national de lutte contre la cécité.
« Donc, on le [ce taux de prévalence, NDLR] considère comme un indicateur très fiable du niveau de développement socio-économique d’un pays », a souligné Dr Sarr, lors de l’inauguration du Centre d’ophtalmologie Léopold Sédar Senghor dont il est le directeur.
Le taux de prévalence de la cécité en Afrique de l’Ouest est-il plus élevé que dans les pays développés ? La cécité est-elle un indicateur de développement ? Africa Check a cherché les réponses à ces deux questions.
« Les chiffres évoqués sont des estimations »
Interrogé par Africa Check, l’ophtalmologue a réitéré les mêmes propos, en précisant que « les chiffres évoqués ici sont en général des estimations ».
« Les enquêtes épidémiologiques sont quasi-inexistantes, particulièrement en Afrique. Ces estimations découlent de méta-analyses, de recoupements de données parcellaires ou hospitalières », a-t-il dit.
« C'est en général l'OMS (Organisation mondiale de la Santé) qui se livre à de tels exercices. Toutefois, l'IAPC [Agence internationale pour la prévention de la cécité] produit aussi des statistiques et des données plus récentes devraient y être disponibles. En l'absence d'enquête, on ne peut que s'en tenir à ces données », a-t-il ajouté.
Le taux de prévalence de la cécité diffère-t-il selon les continents ?
L’OMS a publié des données sur la cécité selon les continents. Celles-ci datent toutefois de 2010.
Que révèle l’Agence internationale pour la prévention de la cécité ?
Les dernières statistiques de l’Agence internationale pour la prévention de la cécité datent de 2015. Le taux de prévalence de la cécité concernant le Sénégal n’apparaît pas dans les tableaux. Cependant, les données régionales y figurent en bonne place.
A titre d’exemples, le taux de prévalence est de 4,98 % au Mali ; 4,23 % au Nigeria et 2,45 % en Afrique du Sud. Il est à 1,25 % aux Etats-Unis ; 0,87 % en France ; 0,2 % en Allemagne et 0,9 % au Japon.
Vers une mise à jour des données ?
Le « Catalogue des indicateurs de santé oculaire dans la région africaine » publié en 2017 s’est approprié les données de 2010.
Toutefois, l’OMS a lancé un processus de mise à jour de ses données relatives à la santé oculaire dans le monde.
« A la demande des Etats membres et avec le soutien d'experts du monde entier, l’OMS va élaborer un rapport mondial sur la vision pour fournir des preuves fiables de l'ampleur de la perte de vision dans le monde […]. Il devrait être lancé vers la fin de 2018 », mentionne l’OMS sur son site web.
Dr Sarr a partagé avec Africa Check plusieurs documents qui évoquent le lien entre les maladies oculaires et le développement économique. « Cécité, pauvreté et développement » en est un.
Ce document a été produit dans le cadre de l’initiative « Vision 2020-Droit à la vue », qui mobilise l’AIPC et l’OMS. Il examine les rapports qu’il y a entre cette maladie et l’économie.
S’appuyant sur des études de cas marocain, gambien et indien, les auteurs soulignent que « la déficience visuelle entraîne un profond désavantage économique pour les individus qui en souffrent, pour leur famille et pour la société en général ». De plus, « 90 % des personnes aveugles vivent dans des pays sous-développés ».
Dans un chapitre sur les « aspects socio-économiques de la cécité et des déficiences visuelles », l’OMS mentionne ce taux de « 90 % ». Elle souligne que « la distribution mondiale des déficiences visuelles montre l'existence d'une tendance à une plus grande prévalence dans les pays en développement avec un bas revenu per capita ».
Est-ce un indicateur officiel ?
Le taux de prévalence de la cécité ne figure pas parmi les indicateurs de développement social à partir desquels la Banque mondiale classe des pays.
Il n’est pas non plus pris en compte par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) dans le cadre de l’Indice de développement humain (IDH).
Dr Boubacar Sarr a dit à Africa Check : « C’est vrai, la prévalence de la cécité n’est pas encore considérée comme un indicateur officiel par les politiques qui priorisent les maladies qui tuent ».
Edité par Assane Diagne
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