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Mortalité maternelle : le Sénégal est-il en tête dans l'Uemoa et devant le Rwanda ?

Abdoulaye Diouf Sarr, ministre sénégalais de la Santé et de l’Action sociale de 2017 à mai 2022, a déclaré que le Sénégal avait la mortalité maternelle la plus basse de l’Uemoa. Il a également soutenu que le pays faisait mieux que le Rwanda dans ce domaine. Les données consultées par Africa Check montrent qu'il a raison en ce qui concerne l’Uemoa mais se trompe pour ce qui est du Rwanda.

Cet article date de plus de 1 an

  • « En 2013, on était à 392 décès pour 100 000 naissances vivantes. En 2019, on est passé à 236 décès pour 100 000 naissances vivantes » (Abdoulaye Diouf Sarr, 17 avril 2022).
  • « Nous sommes premiers dans l’Uemoa et devant des pays comme la Côte d'Ivoire et le Rwanda » (Abdoulaye Diouf Sarr, 17 avril 2022).
  • Selon les données de l'Observatoire africain de la Santé, une plateforme du bureau régional de l'OMS pour l'Afrique, le Sénégal est en tête dans l'Uemoa.
  • L'enquête démographique et de santé 2019-2020 du Rwanda, publiée en septembre 2021, indique un ratio de mortalité maternelle de 203 décès pour 100 000 naissances vivantes. Ce qui le classe devant le Sénégal avec ses 236 décès pour 100 000 naissances vivantes.

Invité à l'émission Quartier Général, diffusée le 17 avril 2022 sur la chaîne privée sénégalaise Télévision Futurs Médias (TFM), l’ancien ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr (en poste de 2017 à mai 2022) a affirmé que la mortalité maternelle avait baissé au Sénégal.

« En 2013, on était à 392 décès pour 100 000 naissances vivantes. En 2019, on est passé à 236 décès pour 100 000 naissances vivantes », a-t-il dit.

« Si on extrapole, a-t-il poursuivi, on (le Sénégal) est à 156 décès pour 100 000 naissances vivantes. Nous sommes premiers dans l’Uemoa (Union économique et monétaire ouest-africaine, un regroupement de huit pays d’Afrique de l’Ouest ayant en commun le franc CFA), et devant des pays comme la Côte d'Ivoire et le Rwanda ».

Abdoulaye Diouf Sarr a réitéré ces propos lors d’une conférence de presse conjointe avec deux autres ministres le 28 avril 2022.

Qu'est-ce que la mortalité maternelle ?

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a une « Classification internationale des maladies » (CIM, ou ICD en anglais, pour International Classification of Diseases) qui, selon cette agence onusienne, « sert de base pour établir les tendances et les statistiques sanitaires, partout dans le monde ». De même source, la CIM contient des « codes uniques pour les traumatismes, les maladies et les causes de décès » et elle « fournit un langage commun grâce auquel les professionnels de la santé peuvent échanger des informations sanitaires partout dans le monde ».

L'édition 2008 de la 10e Classification (CIM-10), publiée en 2009, définit la mort maternelle comme « le décès d’une femme survenu au cours de la grossesse ou dans le délai de 42 jours après sa terminaison, quelles qu’en soient la durée ou la localisation pour une cause quelconque déterminée ou aggravée par la grossesse ou les soins qu’elle a motivés ». La cause du décès ne doit être « ni accidentelle ni fortuite », est-il précisé.

Le Centre français d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) précise que les morts maternelles se répartissent en deux groupes : les décès par cause obstétricale directe et les décès par cause obstétricale indirecte.

Le premier groupe concerne les décès qui « résultent de complications obstétricales (grossesse, travail et suites de couches), d'interventions, d'omissions, d'un traitement incorrect ou d'un enchaînement d'événements résultant de l'un quelconque des facteurs ci-dessus ». Pour ce qui est du second groupe, il s’agit des décès qui « résultent d'une maladie préexistante ou d'une affection apparue au cours de la grossesse sans qu'elle soit due à des causes obstétricales directes mais qui a été aggravée par les effets physiologiques de la grossesse ».

Le taux de mortalité maternelle s'obtient en faisant le rapport entre le nombre de décès maternels au cours d'une période et le nombre de naissances vivantes au cours de la même période, souligne la CIM-10.

Quelle est la situation au Sénégal ?

La Direction de la santé de la mère et de l’enfant a fourni à Africa Check les mêmes chiffres que ceux avancés par M. Diouf Sarr.

Il s’agit de données issues du Plan national de développement sanitaire et social (PNDSS) 2019-2028. Le document précise que la mortalité maternelle est passée de 392 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2010 à 236 en 2017.

Ce sont les mêmes données que l’on trouve dans ce document du ministère de la Santé et de l’Action sociale portant sur la réduction de la mortalité maternelle.

Il convient de noter que le taux de mortalité de 2010 (392 décès pour 100 000 naissances vivantes) est utilisée comme référence dans les enquêtes démographiques et de santé de 2013, 2014 et 2015. De même, 236 (2017) qui est utilisée pour l’année 2019, comme c'est le cas dans cet article du site de l'agence des Nations unies en charge des questions de santé sexuelle et reproductive, UNFPA. Il s’agit, par ailleurs, de la donnée la plus récente sur la mortalité maternelle au Sénégal.

Quelle est la situation au sein de l'Uemoa ?

Pour comparer la mortalité maternelle des pays de l'Uemoa, nous avons consulté l'Observatoire africain de la Santé. C’est une plateforme en ligne du bureau régionale de l'OMS pour l’Afrique qui compile les données sanitaires des pays du continent.

Celles actuellement en ligne placent le Sénégal en tête dans l'Uemoa avec 236 décès pour 100 000 naissances vivantes. Le Burkina Faso arrive en deuxième position avec 320 décès pour 100 000 naissances vivantes. La Guinée Bissau affiche le taux le plus élevé avec 667 décès pour 100 000 naissances vivantes.

(Note : L’Observatoire africain de la Santé affiche une mortalité maternelle de 397 pour le Bénin. Toutefois, l’enquête démographique et de santé 2017/2018 du pays, publiée en avril 2019, parle de 391 décès pour 100 000 naissances vivantes.)

Le Sénégal fait-il mieux que le Rwanda ?

L’Observatoire africain de la Santé présente une mortalité maternelle de 248 décès pour 100 000 naissances vivantes pour le Rwanda, donc plus élevée que les 236 décès pour 100 000 naissances vivantes du Sénégal.

Toutefois, les données les plus récentes sur la mortalité maternelle du pays sont contenues dans l'enquête démographique et de santé 2019-2020 (Rwanda Demographic and Health Survey 2019-2020), publiée en septembre 2021.

Et dans ce document, la mortalité maternelle est de 203 décès pour 100 000 naissances vivantes. Ce qui le place en dessous du Sénégal en la matière.

Conclusion : le Sénégal est bien premier dans l'Uemoa, mais derrière le Rwanda

Lors d’une émission télévisée diffusée le 17 avril 2022, Abdoulaye Diouf Sarr, ministre sénégalais de la Santé et de l’Action sociale à l’époque, a affirmé que la mortalité maternelle au Sénégal était passée de 392 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2013 à 236 en 2019.

Il a également indiqué que le Sénégal avait la mortalité maternelle la plus faible au sein de l'Uemoa et qu’il se plaçait devant le Rwanda.

Les données disponibles consultées par Africa Check montrent que le Sénégal est effectivement en tête dans l'Uemoa, mais se classe derrière le Rwanda en la matière.

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