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SEYLLOU / AFP

Pas de preuves que 10 000 personnes meurent chaque année au Sénégal à cause des faux médicaments

Dans une contribution publiée en novembre 2021 sur le site d'informations Senego, il est indiqué que plus de 10 000 personnes meurent chaque année au Sénégal à cause des faux médicaments. Vérification faite, l'information n'est pas prouvée.

Cet article date de plus de 1 an

  • « 10 000 sénégalais meurent chaque année à cause des faux médicaments » (Senego, 22 novembre 2021)
  • « Il n'existe pas d'études sur le sujet au Sénégal » (Direction de la pharmacie et du médicament)
  • « Difficile d’établir le lien de causalité entre la prise de faux médicaments et le nombre de décès au Sénégal » (Président du syndicat des pharmaciens privés du Sénégal)
  • « Impossible de tirer des conclusions globales sur l’impact sanitaire probable des produits médicaux de qualité inférieure ou falsifiés » (Organisation mondiale de la Santé).

« Ce sont plus de 10 000 personnes qui meurent chaque année au Sénégal à cause de la consommation de faux médicaments », peut-on lire dans une contribution publiée en novembre 2021 sur Senego, un site d'informations sénégalais .

L’auteur du texte, Oumar Diop, qui se présente comme consultant, soutient que chaque jour 25 Sénégalais meurent pour avoir voulu se soigner. En faisant le calcul, cela fait exactement 9 125 morts par an.

Quelle est la source de ces données ?

Africa Check a contacté Oumar Diop, l’auteur de la contribution. Ce dernier a tout d’abord révélé que ces chiffres proviennent d’une étude de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), sans préciser laquelle.

Il a par la suite déclaré qu’il ne pouvait pas communiquer le document parce que ce dernier est confidentiel.

Qu'entend-on par faux médicaments ?

 Le terme « faux médicament » varie selon les structures. Pour les douanes sénégalaises, par exemple, un faux médicament ne signifie pas automatiquement un médicament avec des actifs nocifs, faibles, ou pas aux normes, explique Mamadou Samba Mbow de la cellule de communication. 

« Il peut tout simplement s’agir de médicaments dont l’acheminement n’a pas suivi le circuit légal pour être introduit dans un pays », souligne Mbow.

Et pour l'OMS un faux médicament est celui dont l’identité et ou/l’origine est délibérément frauduleuse. Elle a adopté en mai 2017, au cours de l’Assemblée mondiale de la Santé, des définitions de travail précises pour qualifier les falsifications de médicaments, explique Adiouma Diouf, secrétaire général de la section régionale de Diourbel (Ouest) du syndicat des pharmaciens privés du Sénégal.

Pour chaque produit médical, poursuit-il, médicament, vaccin et dispositif médical falsifié, l’OMS distingue trois catégories de situations : « produits de qualité inférieure », « produits non enregistrés » et « produits falsifiés ».

Pas d'études sur le Sénégal

Africa Check a contacté la direction de la pharmacie et du médicament qui a indiqué qu’il n’y pas d’études sur le nombre de décès causés par la prise de faux médicaments au Sénégal.  

Le président du syndicat des pharmaciens privés du Sénégal (SPPS), Dr Assane Diop, relève les difficultés d’établir le lien de causalité entre la prise de faux médicaments et le nombre de décès au Sénégal. Pour cela, il prend l'exemple de la région de Diourbel, qui, selon lui, concentre un fort taux d’insuffisants rénaux.

« Nous savons que c’est dû à la prise de faux médicaments, mais puisque nous sommes des scientifiques, il nous est difficile de faire une déclaration précise sur le sujet, sans nous baser sur des études solides », souligne-t-il.   

Qu'en dit l'OMS ?

Sergio Cecchini est responsable de l'infodémie à l'OMS et s'occupe de Africa Infodemic Response Alliance, la plateforme établie par le bureau Afrique de l'OMS pour contrer la propagation de la désinformation sanitaire dans la région. Il a indiqué à Africa Check que l’OMS ne dispose pas de données sur l’impact sanitaire de l’utilisation des faux médicaments en Afrique pays par pays.

Toutefois, dans cet article publié en novembre 2017, l’Organisation mondiale de la santé indiquait que 116 000 décès supplémentaires dus au paludisme pourraient être imputables chaque année à des médicaments antipaludiques de qualité inférieure ou falsifiés en Afrique subsaharienne. Cette estimation a été faite en se basant sur un modèle développé par la London School of Hygiene and Tropical Medicine.

L’article est en fait une synthèse du rapport Etude de l'impact socioéconomique et sur la santé des produits médicaux de qualité inférieure et falsifiés.

Ladite étude se base sur une modélisation mise au point par l’Université d’Edimbourg en Ecosse. Elle indique que, sur la base d’une estimation à 10 % des médicaments de qualité inférieure ou falsifiés, ce sont entre 72 000 et 169 000 enfants qui décèdent, probablement chaque année, d’une pneumonie traitée avec des antibiotiques de qualité inférieure ou falsifiée.

Difficile de tirer des conclusions globales

L'Étude de l’impact socioéconomique et sur la santé publique des produits médicaux de qualités inférieures et falsifiées souligne les difficultés à établir des chiffres exacts sur l’impact des produits médicaux falsifiés ou de qualités inférieures.

Selon le document, même si l’on disposait de davantage d’informations, l’impact sanitaire différerait probablement entre les catégories de maladies. Cette situation, poursuit l'étude, est rendue difficile par la variabilité de la prévalence des produits médicaux de qualité inférieure ou falsifiés entre les différentes classes thérapeutiques.

Ainsi, pour obtenir des estimations rigoureuses de l’impact sanitaire, souligne le document, il faut une modélisation séparée pour de nombreuses grandes maladies. «Tâche qui n’a pas encore été entreprise », révèle l'étude qui met en exergue le fait qu'il n’existe aucune directive méthodologique générale pour aider à l’affectation des impacts sanitaires aux produits médicaux de qualité inférieure ou falsifiés.

En conséquence, conclut le document, il est impossible de tirer des conclusions globales sur l’impact sanitaire probable des produits médicaux de qualité inférieure ou falsifiés.

Conclusion : la déclaration ne repose sur aucune preuve

Une contribution publiée le 22 novembre 2021 sur le site d'informations Senego affirme que 10 000 sénégalais meurent chaque année à cause des faux médicaments.

La direction de la pharmacie et du médicament a indiqué qu'il n'existe pas d'études sur le sujet au Sénégal.

Le Président du syndicat des pharmaciens privés du Sénégal a souligné la difficulté d’établir le lien de causalité entre la prise de faux médicaments et le nombre de décès au Sénégal.

Il en est de même pour l'Organisation mondiale de la santé qui fait savoir qu'il est impossible de tirer des conclusions globales sur l’impact sanitaire probable des produits médicaux de qualité inférieure ou falsifiés.

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