Retour sur Africa Check

BLOG - Les vainqueurs des Prix africains de fact-checking 2022 à l’honneur à Nairobi, au Kenya

Nairobi, la capitale kényane, a abrité les 9 et 10 novembre 2022 une grande rencontre de fact-checkeurs africains qui s’est conclue par la cérémonie de remise des Prix africains de fact-checking. Au centre des honneurs : des participants du Nigeria, du Ghana, du Kenya et de l'île Maurice.

Les Prix africains de fact-checking, qui en sont à leur neuvième édition en 2022, sont le plus ancien programme du genre pour le journalisme de vérification des faits par les médias en Afrique. Les candidats ayant postulé étaient en lice dans trois catégories avec, pour chacune d’elles, un lauréat (vainqueur) et un finaliste (deuxième) : « Fact check de l'année par un journaliste en activité », « Fact check de l'année par un spécialiste de la vérification des faits (fact-checkeur professionnel) » et « Fact check par un étudiant en journalisme ».

Le classement final a été révélé à Nairobi lors d’une soirée de gala le jeudi 10 novembre 2022, ayant constitué le point d’orgue de deux jours d’activités intenses marquées par plusieurs rencontres et échanges sur les questions liées à la désinformation, la mésinformation et l’éducation aux médias. Plusieurs dizaines de journalistes, fact-checkeurs et experts des médias venus essentiellement d’Afrique - dont les quatre pays où Africa Check a des bureaux (Afrique du Sud, Sénégal, Nigeria et Kenya) - ont participé à ce forum surnommé « Sommet Africa Facts » («Africa Facts Summit», 9-10 novembre 2022). Certains participants ont également fait le déplacement au Kenya depuis l’Europe et les Amériques.

Prix pour les journalistes en activité

Le Nigérian Kunle Adebajo, de la plateforme d’information HumAngle (Nigeria), a été désigné lauréat du Prix du Fact check de l’année par un journaliste en activité. L’article lui ayant valu cette récompense a été publié le 31 mai 2022 par HumAngle et a pour titre : « La Russie affirme que les États-Unis fabriquent des armes biologiques au Nigeria. Est-ce vrai ? » («Russia Claims U.S. Is Making Bioweapons In Nigeria. True?»). Il a vérifié un collage d'images partagé sur Twitter, censé prouver l'existence de laboratoires biologiques parrainés par les États-Unis au Nigeria et qui seraient liés à une épidémie de variole du singe survenue en 2022. Adebajo a découvert que les laboratoires représentés dans l'image partagée par le gouvernement russe n'étaient pas des installations secrètes. Ils ont été mis en place pour contenir les épidémies telles que la tuberculose, le sida, l’Ébola et la Covid-19.

Le finaliste de cette catégorie est un autre Nigérian, Kabir Yusuf, du journal nigérian Premium Times. Il a enquêté sur des affirmations du président Muhammadu Buhari et produit l’article : « À quel point l'affirmation de Buhari selon laquelle le Nigeria se porte mieux aujourd'hui qu'en 2015 est-elle vraie ? » («How true is Buhari’s claim that Nigeria is better off today than in 2015?»), publié le 4 juillet 2022. En juin 2022, dans une réponse écrite à des questions posées par le média américain Bloomberg, spécialisé dans l’information financière et économique, Buhari a déclaré que son administration laissait le Nigeria dans un « bien meilleur état que celui dans lequel elle l'avait trouvé » sept ans plus tôt, en 2015. Bien que des progrès significatifs aient été réalisés dans le nord-est du pays durant ses années de pouvoir, Yusuf a démontré que le chef de l’État n'avait cependant pas réussi à tenir sa promesse de « rendre plus sûr » le Nigeria. Depuis plusieurs années, ce pays anglophone d’Afrique de l’Ouest est confronté à des attaques de groupes terroristes ou de bandes criminelles et fait également face à des éruptions de violences politiques, interconfessionnelles ou interethniques.

Prix pour les fact-chekeurs professionnels

Jonas Nyabor, de l'organisation de vérification des faits Dubawa, du Ghana, a enlevé le trophée du Fact check de l'année par un fact-checkeur professionnel. Il a été distingué grâce à son article publié le 1er juin 2022, portant sur une campagne menée sur Twitter au Ghana et intitulé : « Démasquer les visages derrière la campagne anti-vaccination contre la Covid-19 au Ghana » («Unmasking the faces behind the Covid-19 anti-vaccination campaign in Ghana»). Cette campagne, autour du hashtag #JusticeForAlbert, demandait « justice » pour Albert Owusu, un jeune homme donné pour mort deux jours après avoir reçu un vaccin contre la Covid-19. Nyabor a constaté que la campagne semblait être un appel authentique d’amis et sympathisants d’Albert Owusu, mais que le hashtag a été détourné par des comptes qui faisaient partie d'une opération coordonnée visant à discréditer les vaccins contre la Covid-19.

Le Kényan James Okong'o, de l'AFP Fact Check, le service de fact-checking de l’Agence France-Presse (AFP), est arrivé deuxième dans cette catégorie. Il doit sa place en finale à son article intitulé : « De fausses déclarations politiques alimentent la désinformation en ligne avant les élections au Kenya » («False political quotes fuel online disinformation ahead of Kenya election»), diffusé le 30 mai 2022. Il a travaillé sur une publication partagée sur des réseaux sociaux clamant que Kalonzo Musyoka, homme politique et chef de parti kényan  (le Mouvement démocratique Wiper-Kenya, WDM-K, en anglais : Wiper Democratic Movement Kenya), avait formulé une série d'exigences avant d'accepter tout rôle ministériel, notamment une nouvelle résidence et une indemnité de retraite. Okong'o a prouvé que le post, ainsi que beaucoup d’autres, avait été fabriqué et créé dans un seul but : tromper les électeurs kényans à quelques mois de scrutins durant lesquels ils devaient choisir leur président, leur vice-président et leurs parlementaires. Ces élections générales se sont tenues en août 2022. William Ruto a été désigné vainqueur de la présidentielle devant Raila Odinga, et il a été installé dans ses fonctions le 13 septembre 2022.

Prix pour les étudiants en journalisme

Dans la catégorie Fact check de l’année par un étudiant en journalisme, le lauréat a été un trio : les étudiantes Vidyasharita Bumma, Kokeelavani Mauree et Sachita Gobeen, de l'Université de Maurice. Les trois jeunes femmes ont été récompensées pour leur article ayant pour titre : « Un média mauricien a publié un article contenant des affirmations trompeuses sur la vaccination des enfants » («A Mauritian media organisation published an article containing misleading claims on vaccination for children»), publié le 13 juillet 2022 par UoM-Communication Studies, blog de leur université dédié aux étudiants en communication. Elles ont vérifié des affirmations d’un article diffusé par le site du journal mauricien L’Express, sur la vaccination des enfants contre la Covid-19. Ce texte, mis en ligne en juin 2022, rapporte des déclarations d’un groupe remettant en cause l’efficacité de la vaccination. Les étudiantes ont montré que les recherches scientifiques existantes réfutaient l’allégation d’un responsable de ce groupe anti-vaccinal selon laquelle les vaccins contre le Covid-19 produisaient des protéines de pointe toxiques.

Elizabeth Henri-Héloïse, également étudiante de l’Université de Maurice, a obtenu la deuxième place dans la même catégorie. Elle a été récompensée pour son article : « La hausse du prix des carburants à Maurice : est-ce qu’il y a eu une hausse de 140 % ? », publié le 7 juillet 2022 sur le blog universitaire UoM-Communication Studies. Pour ce travail, elle a vérifié une déclaration du Premier ministre mauricien Pravind Jugnauth. Le chef du gouvernement mauricien a soutenu que, malgré une augmentation de 140 % du prix du carburant, son pays n'avait augmenté les prix à la pompe que de 68 %. Henri-Héloïse n'a pu trouver aucune preuve publiquement disponible pour le chiffre de 140 %, y compris sur le site de la State Trading Corporation (STC, Société commerciale de l’État), organe du gouvernement mauricien sous la tutelle du ministère de l’Industrie, du Commerce et de la Protection des consommateurs. Selon son site, « la STC est notamment chargée de l'importation de tous les produits pétroliers pour satisfaire la demande du pays ».

« Augmentation qualitative des soumissions »

« Les Prix africains de fact-checking continuent d'honorer le travail exceptionnel réalisé par les fact-checkeurs africains », a déclaré Dudu Mkhize, responsable à Africa Check des activités de sensibilisation et de proximité. Pour 2022, a-t-elle indiqué, « nous avons reçu plus de 190 candidatures de 24 pays et nous constatons une augmentation qualitative des soumissions. Nous estimons qu'en voyant leurs collègues honorés lors de cet événement, de nombreux acteurs de la vérification par les faits seront motivés pour continuer leur travail et en améliorer la qualité ».

Pour les catégories des journalistes en activité et des professionnels du fact-checking, les lauréats ont reçu chacun 3 000 dollars (près de 1,9 million de FCFA / près de 2 900 euros1 ), les finalistes ont obtenu chacun 1 500 dollars (près de 950 000 FCFA / moins de 1 450 euros).

Pour la catégorie des étudiants en journalisme, le trio de lauréates a eu 2 000 dollars (près de 1,3 million de FCFA / plus de 1 900 euros), et la finaliste, 1 000 dollars (plus de 630.000 FCFA / plus de 960 euros).

Pour en savoir plus sur les Prix, la version française est ici, et la version anglaise ici.

  • 1N.B. : toutes les conversions de monnaies dans cet article sont basées sur le taux de change du dollar à la date du 17 novembre 2022.

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