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FICHE D'INFO: Pourquoi l’Afrique sera plus durement frappée par le changement climatique

Cet article date de plus de 8 ans

logo_tousensembleLes principaux scientifiques du monde se réuniront ce mois-ci à Paris lors du Congrès des parties 21 (COP21) pour produire un accord international destiné à maintenir le réchauffement mondial en dessous de 2° C, par rapport aux niveaux préindustriels. L’objectif de 2°C avait été choisi parce qu’il représente "le maximum de réchauffement admissible" pour éviter les interférences liées à l’action de l’homme sur le climat.

Le Met Office du Royaume-Uni a annoncé, début novembre, que les températures moyennes mondiales avaient déjà augmenté d’un degré au-dessus des niveaux préindustriels. Cela était fondé sur une base de données produite conjointement par le Met Office et l’unité de recherche sur le climat de l’Université d’East Anglia.

Mais ces augmentations de températures ne seront pas uniformes: certains endroits enregistreront des hausses plus élevées que d’autres. Les écarts de températures sont les raisons pour lesquelles beaucoup de scientifiques pensent que l’Afrique serait le continent le plus durement frappé par le changement climatique.

Des rapports d’évaluation de l’ONU signalaient un risque


General view from the Nobel Peace Prize Ceremony in Oslo's City Hall on 10 December 2007, in which the laureates, the Intergovernment Panel on Climate Change, represented by the chairman, Rajendra K. Pachauri, and former US vice president Al Gore, were awarded the 2007 Nobel Peace Prize. Photo: AFP/Heiko Junge/SCANPIX NORWAY"L’idée selon laquelle l’Afrique serait le continent le plus touché a été agitée lors de la troisième évaluation de l’ONU (panel intergouvernemental sur le changement climatique) du rapport en 2011… et le quatrième rapport autorisait que cette conclusion soit tirée’’, a dit à Africa Check Guy Midgley, un scientifique de l’Université Stellenbosch. "Cela a été plutôt incorporé dans la compréhension commune du changement global".

Le panel intergouvernemental des Nations-Unies sur le changement climatique est le principal référentiel de recherche climatique et d’informations techniques auprès des scientifiques à travers le monde. Il a produit cinq rapports d’évaluation sur l’état du changement climatique, depuis 1990. Le dernier a été publié en novembre 2014. Midgley fait partie d’une équipe internationale qui a partagé le Prix Nobel de la paix en 2007 pour avoir produit la quatrième évaluation.

Le troisième rapport de l’ONU indiquait que "l’Afrique est très vulnérable aux nombreuses manifestations du changement climatique".

Dans le quatrième rapport (2007), cela est devenu: "l’Afrique a de fortes chances d’être le continent le plus vulnérable au changement climatique. Parmi les risques auxquels le continent fait face, il y a la réduction de la productivité de la sécurité alimentaire et de l’agriculture, surtout dans le secteur de la culture de subsistance."

Le rapport mentionne également "un stress hydrique accru comme conséquence de tout cela, et le potentiel pour l’exposition accrue aux maladies et d’autres risques sanitaires, les risques accrus pour la santé de l’homme".

Midgley a souligné qu’après la déclaration forte sur la vulnérabilité, que "[le quatrième rapport] énumère ensuite une série d’impacts négatifs, qui pris ensemble, ont conduit à la conclusion selon laquelle l’Afrique sera le continent le plus durement touché".

A la suite du quatrième rapport, la Conférence africaine ministérielle sur l’environnement (CMAE) a réalisé une fiche d’information pour le Programme des Nations unies pour l’environnement. Celui-ci indique qu’aucun continent ne sera aussi sévèrement touché par les impacts des changements climatiques que l’Afrique. Compte tenu de sa position géographique, le continent sera particulièrement vulnérable en raison des capacités d’adaptation limitées, exacerbées par une pauvreté largement répandue et les bas niveaux de développement actuels.

Cette déclaration a été toutefois produite par les ministres et non par les scientifiques.

"Il fait déjà très chaud en Afrique"


Au moment où les scientifiques et les décideurs politiques s’accordent sur la vulnérabilité du continent au changement pour plusieurs raisons, il y a toujours des fossés en ce qui concerne notre compréhension de comment exactement le changement climatique va affecter les différentes régions du monde, les divers endroits à l’intérieur des différents continents et avec quelle ampleur’’.

Le climatologue Docteur Bob Scholes est plus sceptique que Midgley au sujet de l’affirmation selon laquelle l’Afrique sera le continent le plus sévèrement touché par le changement climatique. Scholes, un éminent professeur à l’Institut de recherche sur le changement climatique et la durabilité de l’Université de Witwatersrand, est également auteur des rapports d’évaluation du Panel intergouvernemental sur le changement climatique.

"L’affirmation est fondée sur deux choses: géographiquement et climatiquement l’Afrique est exposée", a-t-il confié à Africa Check. "De manière générale, il fait déjà très chaud en Afrique. Il suffit que ça se réchauffe davantage pour entrainer la baisse de la production animale, la production de plantes et la santé humaine".

Cependant, d’autres parties du monde sont également tout à fait chaudes et ont leurs propres vulnérabilités. Et il y a plusieurs régions sur le continent.

"En général, je soutiendrais l’argument selon lequel l’Afrique est vulnérable. Mais est-elle la plus vulnérable ?. Ça verse dans [le domaine] de l’hyperbole", a expliqué Scholes.

Un inconvénient géographique


L’une des raisons pour lesquelles l’Afrique est vulnérable au changement climatique est sa géographie.

"L’Afrique empiète sur les tropiques avec des vastes régions semi-arides sur les deux côtés", a dit Midgley. Ces zones arides et semi-arides ont de fortes chances d’enregistrer de plus hautes augmentations de températures que les autres, faussant la hausse moyenne de températures pour le continent’’.

Le cinquième rapport d’évaluation de l’ONU expliquait qu’il est "probable que les températures terrestres en Afrique vont augmenter plus vite que la moyenne mondiale, surtout dans les régions plus arides, et que le taux d’augmentation des températures minimales va dépasser celui des températures maximales.

Des hausses drastiques de températures entre 1961 et 2010


De plus, une recherche effectuée par une équipe de scientifiques internationaux et sud-africains publiée au début de l’année 2015 révélait que des parties de l’Afrique sub-tropicale et centre tropicale avaient déjà montré des hausses drastiques de températures entre 1961 et 2010.

"Dans ces régions, les températures ont augmenté deux fois plus que le niveau mondial de hausses de températures", soulignaient les chercheurs.

D’après les prévisions, les températures vont augmenter dans ces régions pendant ce siècle "avec des hausses plausibles de 4 à 6° C [par rapport au climat d’aujourd’hui] dans les régions sub-tropicales et de 3 à 5° C [par rapport au climat d’aujourd’hui] dans les tropiques, à la fin du siècle." Cela devrait arriver, indiquent les chercheurs, selon les scenarios de faible atténuation de l’ONU – là où les Etats mettent en place peu de mesures pour stopper le changement climatique.

Le chercheur principal et leader de cette étude, Docteur Francois Engelbrecht du Council for Scientific and Industrial Research d’Afrique du Sud, déclarait en septembre dernier que "si les négociations [de Paris] ne parviennent pas à garantir un futur avec une grande atténuation, il y a des fortes chances que nous enregistrions une augmentation rapide des températures terrestres à travers le continent…"

"Pour beaucoup de régions, l’impact des augmentations de températures sur les secteurs agricoles et de la biodiversité pourrait être significatif, à cause des évènements liés à des températures extrêmes comme les vagues de chaleur, les incendies et sécheresses agricoles".

La température n’est qu’un des éléments de la vulnérabilité


La hausse de température est l’une des variables qui déterminent la vulnérabilité d’un pays ou d’un continent. Mais aussi la richesse et les infrastructures, entre autres choses, aident à déterminer sa capacité d’adaptation au changement.

"L’Australie est également caractérisée par une partie très sèche de son continent", a relevé Midley. "Mais du point de vue vulnérabilité et exposition, l’Afrique est plus vulnérable à cause de la pauvreté".

Ou bien comme l’indiquait le troisième rapport, "on prévoit que les effets pervers du changement climatique vont se faire sentir de manière disproportionnée sur les pays en développement et les pauvres à l’intérieur de ces pays".

Sarah Wild est une journaliste scientifique et auteur, qui a remporté plusieurs prix. Retrouvez son travail sur www.wildonscience.com.Comment les niveaux de pauvreté d’un pays, les ressources en eau et la production agricole peuvent influer sur sa vulnérabilité au changement climatique seront discutés dans sa prochaine fiche d’information consacrée à ce sujet.

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