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FICHE D'INFO - Une loi de finances rectificative, c’est quoi ?

Cet article date de plus de 4 ans

Le 30 juin 2019, les députés ont adopté une loi de finances rectificative (LFR). Cette adoption a permis au gouvernent de réajuster les prévisions de dépenses en fonction des recettes initialement attendues qui devraient connaitre une baisse de 2%.

Le Pr Oumar Bâ, enseignant-chercheur à la Faculté des sciences économiques et de gestion de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, a confié à Africa Check que « comme son nom l’indique, cette LFR sert à rectifier la loi budgétaire initiale de 2019. Les recettes initialement prévues n’ont pas été recouvrées et les dépenses prévues doivent être revues à la baisse».

Statut de la LFR

Voter une loi de finances rectificative est un exercice autorisé par la Loi organique de 2011 relative aux Lois des finances. Certaines dispositions de cette loi ont été modifiées en décembre 2016.

Ce texte précise à son article 5 qu’il existe trois lois de finances officielles au Sénégal : « la loi de finance de l’année » communément appelée loi initiale, « les lois de finances rectificatives » et « la loi de règlement ».  Ensuite, il les définit. « La loi de finances de l’année prévoit et autorise, pour chaque année civile, l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat. Les lois de finances rectificatives modifient, en cours d’année, les dispositions de la loi de finances de l’année. La loi de règlement constate les résultats financiers de chaque année civile et rend compte de l’exécution du budget ainsi que de l’utilisation des crédits », souligne toujours ledit article 5.

Directive de l’UEMOA

La loi organique n° 2011-15 du 8 juillet 2011 relative aux lois de finances a transposé dans la législation sénégalaise la directive n° CM/06/2009 du 26 juin 2009 de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) relative aux lois de finances.

Celle-ci constitue l’une des directives formant le cadre harmonisé des finances publiques de l’Union économique et monétaire ouest-africaine.

Ce cadre harmonisé a ainsi introduit des modifications dans la manière de préparer, d’exécuter et de contrôler les budgets des Etats membres. Il consacre l’avènement du budget-programme.

Conditions d’une LFR

Le Chapitre 2 du Titre IV de la loi organique précise qu’un projet de loi de finances rectificative doit être déposé par le gouvernement au cours de l’année budgétaire (1er janvier au 31 décembre), « si les grandes lignes de l’équilibre budgétaire ou financier défini par la loi de finances de l’année se trouvent bouleversées, notamment par l’intervention de décret d’avances ou d’arrêtés d’annulation de crédits ». Elle peut également être soumise à l’Assemblée nationale « si les recettes constatées dépassent sensiblement les prévisions de la loi de finances de l’année ou « s’il y a intervention de mesures législatives ou réglementaires affectant de manière substantielle l’exécution du budget ».

A titre d’exemple, en 2018, le gouvernement du Sénégal a fait adopter par les députés une Loi de finances rectificative à la suite de la signature de plusieurs accords avec les syndicats d’enseignants et de la santé. Ces accords avaient une incidence de 50 milliards F CFA sur la masse salariale annuelle initialement prévue, selon le document consulté.

En 2014, une LFR a été adoptée par l’Assemblée nationale peu avant la fin de l’année budgétaire du Sénégal fixée au 31 décembre. L’objectif était d’intégrer des ressources nouvelles, en l’occurrence la somme de 75 milliards F CFA versée à l’Etat du Sénégal dans le cadre du règlement à l’amiable de l’affaire Arcelor-Mittal relatif à l’exploitation du gisement de fer de la Falémé.

Dans tous les cas, l’article 46 de la loi organique fait obligation au gouvernement d’annexer tous les documents justifiant la nécessité de la LFR soumise aux députés.

Africa Check s’est rapproché de l’ex-président du groupe parlementaire des Libéraux à l’Assemblée nationale, Doudou Wade. Selon ce dernier, une LFR « sert à rectifier la Loi de finance initiale à n’importe qu’elle période de l’année budgétaire. Une fois votée, elle devient la loi de finances de référence pour le reste de l’année.  En 2014, l’Assemblée nationale a voté une LFR, après avoir adopté la loi de finance initiale pour l’année 2015. Toutefois, si vous proposez une LFR dès le début de l’année, en janvier ou février par exemple, cela pose un problème de sincérité budgétaire », a-t-il confié.

En outre, le gouvernement peut ne pas soumettre une LFR aux députés durant une année budgétaire. C’était le cas en 2017.

« Pas de contrainte de délai »

D’après l’ex-parlementaire Doudou Wade, « il n’y a pas de contrainte de délai contrairement à la loi de finances initiale ou aux lois de règlement.  Pour la première, l’Assemblée nationale doit recevoir le projet de loi au plus tard 15 jours après l’ouverture de la session parlementaire prévue au 1er octobre de chaque année. Et les députés ont 60 jours pour l’examiner en commission technique et en session plénière. Pour la loi de règlement, elle doit être adoptée avant la fin du mois d’octobre suivant l’année budgétaire. Par exemple, la loi de règlement pour l’année budgétaire 2017 doit être votée en octobre 2018 au plus tard », confie-t-il.

Selon le Pr Oumar Bâ, cette LFR votée en juin 2019 par exemple aura un impact sur l’activité économique. « Les investissements publics vont baisser, des chantiers seront à l’arrêt. La dette intérieure due aux entreprises restera importante. L’Etat aura du mal à honorer ses engagements avec les syndicats. La consommation va baisser et cela aura un effet sur le Produit intérieur brut (PIB) du pays », explique l’économiste.

En définitive, la LFR est un mécanisme qui répond au principe budgétaire selon lequel « aucune recette ne peut être liquidée ou encaissée, aucune dépense publique ne peut être engagée ou payée si elle n’a été au préalable autorisée par une loi de finances », même si des circonstances imprévues surviennent en cours d’année. Ce principe figure en bonne place dans la loi organique relative aux lois de finances.

Edité par Samba Dialimpa Badji

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