L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a informé le 20 mai 2022 que 80 cas confirmés de variole du singe ont été signalés dans 11 pays du monde. L'OMS explique que la situation est atypique car les flambées surviennent dans des pays où la maladie n'est pas endémique (constante).
L'OMS a indiqué, le 21 mai 2022, que le Portugal, l'Espagne et le Royaume-Uni sont les principaux foyers de propagation avec une vingtaine de cas chacun. Les Etats-Unis sont également touchés avec 7 états concernés à la date du 26 mai 2022.
Pourtant, la forte médiatisation des cas apparus en Europe et en Amérique contraste avec la discrétion dans laquelle la maladie a été gérée en Afrique entre 2020 et 2022 comme l'explique, dans cette interview accordée à l'Agence Ecofin, le directeur par intérim du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC), Ahmed Ogwell Ouma.
Qu'est-ce que la variole du singe ?
La variole du singe, explique le Pr Moussa Seydi, chef du service des maladies infectieuses au Centre hospitalier universitaire national (CHUN) de Fann à Dakar, est une maladie due à un virus à ADN appelé virus Monkeypox. « C’est une zoonose, c’est-à-dire une maladie d’origine animale », dit-il.
Il existe deux groupes distincts du virus (appelés clades) : celui d'Afrique centrale et celui d'Afrique de l'Ouest. Ces deux groupes ont des différences sur le plan génétique, explique le Pr Daye Ka, également infectiologue au service des maladies infectieuses du CHUN de Fann.
Le virus est transmis par des animaux infectés, le plus souvent des rongeurs, précise l'OMS dans un cours en ligne développé en 2020. L'institution ajoute que le virus peut ensuite se propager d’une personne à l’autre.
Depuis sa découverte en 1970 en République démocratique du Congo (RDC), la variole du singe a été notifiée dans 11 pays africains : Bénin, Cameroun, République centrafricaine, Gabon, Côte d'Ivoire, Libéria, Nigéria, République du Congo, Sierra Leone, et Soudan du Sud, souligne l'OMS.
En 2016, 26 cas ont été signalés en République centrafricaine avec un décès, indique Africa CDC. L'agence panafricaine informe également que 233 cas ont été enregistrés au Nigéria en 2017, et 16 cas au Cameroun en 2018, mais aucun décès n'a été noté dans les deux pays.
Comment se transmet la variole du singe ?
La transmission de l’animal (le singe le plus souvent mais aussi d’autres animaux comme les rongeurs) à l’Homme se fait par morsure, griffure mais surtout par contact avec les lésions des animaux atteints de la maladie et aussi par contact avec la chair et les fluides corporels de ces animaux, explique le Pr Seydi.
La contagion peut également survenir au contact de l’environnement du malade (literie, vêtements, vaisselle, linge de bain…), lit-on dans cet article de Santé Publique France, le site de l'agence nationale de santé publique en France.
Il est donc important, toujours selon l’article, que les malades respectent un isolement pendant toute la durée de la maladie (jusqu’à disparition des dernières croutes, le plus souvent trois semaines).
Quels sont les symptômes de la variole du singe ?
La maladie a une présentation clinique similaire à celle de la variole avec une éruption cutanée sous forme de petites tâches atteignant la paume des mains et la plante des pieds, détaille l'Institut Pasteur France, dans une fiche de présentation de la maladie.
« Les symptômes apparaissent entre 5 et 21 jours après la contamination, mais le malade ne commence à être contagieux qu’au début des signes cliniques », précise le Pr Seydi.
Selon l'infectiologue, la maladie se manifeste au tout début par une fièvre, des frissons, une grande fatigue, des maux de tête, des douleurs lombaires (douleur au niveau du tour de reins), et des douleurs musculaires. On note également des adénopathies (augmentation douloureuse ou non de la taille d'un ganglion qui devient dur, chaud et parfois recouvert d'une rougeur) qui peuvent siéger à différents niveaux, par exemple au niveau du cou, souligne le spécialiste.
Il affirme que cette atteinte des ganglions, encore appelée lymphadénopathie, est un signe (distinctif) très important « car elle n’est pas observée dans les maladies qui ressemblent à s’y méprendre parfois à la variole du singe », dit-il.
Cette phase de début ne dépasse pas cinq jours, fait remarquer le Pr Seydi.
Apparition de lésions cutanées sous formes d'éruptions
Un à trois jours après l’apparition de la fièvre, surviennent des lésions cutanées sous forme d’éruption souligne le Pr Seydi. « L'éruption a tendance à être plus concentrée sur le visage et concerne la bouche en premier, les membres, les paumes et la plante des pieds. Elle peut aussi toucher les yeux », dit-il.
Ces éruptions peuvent également atteindre les organes génitaux. « Ce qui pourrait expliquer les cas notés chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes en Grande-Bretagne », explique-t-il. (Note : voir encadré).
Dans les cas graves, les lésions peuvent fusionner aboutissant à de grandes desquamations (perte de peau morte), ajoute le Pr Daye Ka.
« La guérison complète est la règle... »
Bien que la maladie semble susciter la panique en Europe, elle est plus grave chez les personnes immunodéprimées et les enfants, explique Santé Publique France.
La guérison complète est la règle, et elle survient 2 à 4 semaines après le début de la maladie, confie le Pr Seydi. Cependant, poursuit-il, il peut y avoir des complications graves, comme les surinfections bactériennes. Les atteintes pulmonaires et oculaires avec risque de cécité sont possibles.
« Ces complications et le décès sont moins fréquents avec le groupe ouest africain », rassure-t-il.
Les hommes homosexuels sont-ils plus exposés ?
Les cas de variole du singe signalés en Europe, notamment au Royaume-Uni, sont principalement apparus chez des hommes ayant des rapports avec des hommes ou bisexuels, souligne l’agence britannique de sécurité sanitaire (UK Health Security Agency, UKHSA).
Aux Etats-Unis, le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) a également signalé des cas au sein de la communauté homosexuelle. Toutefois, un des responsables du CDC, le docteur John Brooks a précisé aux médias américains dont CNN que « certains groupes ont peut-être plus de chances d'être exposés à l'heure actuelle, mais le risque actuel d'exposition à la variole du singe ne concerne en aucun cas exclusivement la communauté gay et bisexuelle des États-Unis ».
Selon l’OMS, aucun élément n’indique aujourd’hui que l’on peut attraper la variole du singe par voie sexuelle (par exemple par le sperme ou les sécrétions vaginales), mais elle peut se transmettre par contact direct peau à peau avec des lésions pendant un rapport sexuel.
Professeur Antoine Flahault du Service de Médecine Tropicale et Humanitaire, Hôpitaux Universitaires de Genève est également directeur de l’Institut de Santé Globale de la Faculté de Médecine de l’Université de Genève.
Il estime également qu’à ce stade « aucun élément ne permet d’affirmer une contamination par voie sexuelle du virus Monkeypox, même si on ne peut pas l’écarter ». Il estime toutefois qu’il est tôt pour tirer des conclusions dans un sens ou dans l’autre et que les prochaines semaines devraient nous renseigner.
Le Professeur Flahault souligne tout de même que les cas rapportés à ce jour, notamment chez les hommes de la communauté homosexuelle, ne correspondent pas à l’épidémiologie connue jusqu’à présent en Afrique de cette maladie qui frappait plutôt les enfants (moins de 16 ans), à la suite de contacts fortuits avec des petits rongeurs.
Comment traiter la variole du singe ?
La variole du singe est généralement bénigne et la plupart des personnes atteintes se rétablissent en quelques semaines sans traitement, explique l'agence publique britannique de la santé (National Health Service, NHS).
Toutefois, souligne l'OMS, dans cette fiche, « il est important de soigner les éruptions cutanées en les laissant sécher à l'air libre, si possible, ou en les recouvrant d'un pansement humide pour protéger la zone atteinte, en cas de besoin ».
La Professeure Parastou Donyai de l'Université de Reading explique, dans un article publié par The Conversation, qu'il existe également des vaccins qui peuvent être utilisés pour contrôler les épidémies, ainsi que des traitements pour les personnes qui tombent gravement malades.
Comment l'éviter ?
Pour éviter toute contamination, il faut, selon les professeurs Seydi et Ka, éviter d’être en contact direct avec les animaux malades, suspects ou morts, ainsi qu’avec les personnes malades ou les objets utilisés par ces derniers. « Il faut une hygiène rigoureuse des mains », conseillent-ils.
L’Organisation mondiale de la Santé conseille également de laver les vêtements, les serviettes, les draps et les ustensiles de cuisine de la personne infectée avec de l’eau chaude et du détergent.
Il faut aussi nettoyer et désinfecter toutes les surfaces contaminées et éliminer les déchets contaminés (par exemple, les pansements) de manière appropriée, ajoute l’OMS.
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