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FICHE D’INFO: Comment le taux de chômage est calculé au Nigeria

Cet article date de plus de 8 ans

L’annonce des statisticiens nigériens selon laquelle le taux de chômage actuel est à moins de 10% avait été accueillie avec scepticisme.

‘’Ma réaction est simple: je ne crois pas aux statistiques du Bureau national de la statistique’’, a confié un leader syndical au journal Leadership. Et dans un article intitulé ‘’des Nigérians indignés fustigent le gouvernement à propos du taux de chômage de plus 6,4%’’, le président d’une organisation internationale de développement avait critiqué les chiffres. ‘’C’est une façon non sérieuse de traiter d’un problème national’’, avait dit Hussain Abdu de Plan International, cité par la presse.

Ces réactions faisaient suite à l’annonce du Bureau national des statistiques du Nigeria (NBS) selon laquelle le chômage était à 6,4%, lors du dernier trimestre 2014 au Nigeria et qu’il avait augmenté de 7,5% au cours des trois premiers mois de 2015.

Lors d’un point de presse, le chef de la division des statistiques sur les ménages, au NBS, Isiaka Olarewaju, avait reconnu que les chiffres sur le taux de chômage au Nigeria ‘’avaient été sévèrement critiqués, soit parce qu’ils sont trop élevés, soit parce qu’ils sont trop bas’’.

Donc sont-ils en réalité trop élevés ou trop bas. Cette fiche d’information explique comment les statistiques du chômage sont calculées et comment elles ont changé.

Comment les données sont collectées


La controverse sur les données des enquêtes n’est pas nouvelle au Nigeria. Au coeur du débat actuel, il y a les changements introduits par le NBS sur la façon de calculer le chômage et la question de savoir si ces changements l’ont rendu plus ou moins significatif qu’avant.

Au début de l’année 2014, le NBS avait commencé à collecter des données sur une base trimestrielle. L’enquête de son personnel se déroule sur trois semaines, couvrant 133.200 ménages à travers les 36 Etats et la capitale fédérale du pays. Sur une moyenne de 5,7 personnes par ménage, l’échantillon a touché 800.000 personnes, a expliqué à Africa Check, le statisticien nigérian, le Docteur Yemi Kale.

La méthodologie du NBS exige que la moitié des répondants d’un trimestre soit sondée le trimestre suivant, en vue d’obtenir les tendances du chômage le plus exactement possible.

Un individu est considéré comme chômeur s’il remplit les critères suivants:

  1. âgé de 15 à 64 ans et être ainsi dans le segment de la population considéré comme ‘’économiquement active’’

  2. prêt à travailler et

  3. être à la recherché active d’un emploi


Les gens qui ont choisi de rester à la maison sont des étudiants à temps plein, ou sont maladies ou sont incapables de travailler et ne sont pas considérés comme chômeurs.

Changement de critère pour le chômage


La controverse sur le taux de chômage du Nigeria porte sur le nombre d’heures pendant lesquelles une personne doit travailler chaque semaine pour être considérée comme employée à temps plein.

Ce système de mesure change d’un pays à un autre. La référence de l’Organisation internationale du travail (BIT) est d’une heure par semaine. Et c’est ce qui est utilisé pour compiler les statistiques du chômage en Afrique du Sud et au Zimbabwe, par exemple..

Au Nigeria, une base de 40 heures par semaine a été adoptée en 2001 par le Comité national consultative des statistiques. Cela veut dire que les individus ne sont recensés comme ‘’chômeurs’’ que quand ils ont travaillé pendant 40 heures ou plus pendant la semaine qui a précédé l’enquête sur la population active.

Le NBS a toutefois révisé la base des 40 heures, en septembre de l’année dernière, arguant qu’elle ‘’était considérée comme dépassée, à la fois par les partenaires locaux et internationaux, et ne correspondait plus aux réalités actuelles du pays’’.

L’agence des statistiques a consulté les agences gouvernementales, les universités, les chercheurs et autres et a accepté 20 heures par semaine – à mi-chemin entre l’approche OIT et l’ancienne mesure du Nigeria – comme la nouvelle base.

Le chef d’une entreprise de conseil financier et de renseignements sur le marché basée à Lagos a dit Africa Check que le NBS ‘’semble vraiment sérieux sur l’intégrité de ses données… [Le changement] peut ne pas être parfait, mais il est de loin meilleur que ce que nous avons l’habitude d’avoir’’, a souligné Awoyemi de Proshare.

Mais il a relevé que les chiffres contestés du recensement au Nigeria entacheront toujours la précision des enquêtes qui cherchent à être représentatives de la population dans son ensemble, comme l’enquête sur la population active.

‘’Dans un pays qui n’a pas une idée exacte de sa population, discuter des autres nombres pose problème’’, a soutenu Awoyeni.

Autres changements: la catégorie ‘’sous-emploi’’


En plus de changer la façon de calculer le chômage, le NBS a également introduit une nouvelle méthode de calcul du ‘’sous-emploi’’.

Les données sur la population active étaient présentées en termes binaires: le nombre de personnes employées contre le nombre de personnes sans emploi. Avec la révision, les personnes travaillant entre 20 et 39 heures par semaines sont considérées comme ‘’sous-employées’’.

Cela a fait basculer un grand nombre de ‘’sans-emploi’’ dans la catégorie des ‘’sous-emploi’’, créant ainsi un taux de chômage beaucoup plus bas.

Prenez par exemple le premier trimestre 2015. Au total, 55,7 millions d’individus (75,9% de la population active) étaient considérés comme travailleurs et 5,5 millions comme chômeurs. Le dernier chiffre est bas surtout parce que 12,2 millions de personnes (16,6%) – qui devaient être catégorisées ‘’sans-emploi’’ sous l’ancienne formule – sont maintenant classées à la rubrique ‘’sous-emploi’’.

‘Les Nigérians ne peuvent pas se permettre d’être totalement sans emploi’’


Ce que le taux de sous-emploi révèle est que les Nigérians travaillent mais pas forcément en grande productivité ou ils ne le font pas dans le secteur formel.

‘’Comme dans beaucoup d’autres pays en développement, la plupart des Nigérians ne peuvent pas se permettre d’être totalement sans emploi’’, indiquait la Banque mondiale, dans sans rapport économique sur le Nigeria en 2014. Celui-ci avait été publié deux mois avant la révision de la méthodologie. ‘’Ceux qui n’exercent pas des emplois rémunérateurs s’engagent donc dans diverses autres activités et des tâches mal payées pour survivre’’.

Opeyemi Agbaje, chef d’un cabinet de consultance basé à Lagos, a dit à Africa Check que ‘’le problème réel que nous avons est plus probablement le sous-emploi plutôt que le chômage’’. Il a ajouté : ‘’Il est peu probable d’avoir un diplômé de l’université qui reste à la maison sans rien faire du tout. Il va donner des cours à domicile, vendre des cartes de recharge téléphonique, ou être un rabatteur à l’aéroport’’.

Et les toutes dernières statistiques indiquent le modèle se poursuit. Entre 1,2 et 2,2 millions de jeunes nigérians rejoignent la population active chaque année. Mais sur les 460.070 nouveaux emplois créés au premier trimestre 2015, plus des deux tiers le sont dans le secteur informel.

Traduit de l’anglais par Assane Diagne

Lecture complémentaire (en langue anglaise)


Is Zimbabwe’s unemployment rate 4%, 60% or 95%? Why the data is unreliable

FACTSHEET: Unemployment statistics in S. Africa explained

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