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FICHE D’INFO : Eclairage sur Boko Haram au Nigeria et son insurrection violente

Cet article date de plus de 9 ans

Nombreux sont ceux qui ont découvert le groupe terroriste Boko Haram, après qu’il a enlevé 276 collégiennes de leur résidence dans la ville de Chibok en 2014. Mais des années avant, ses attaques meurtrières ont détruit plusieurs parties du pays.

Boko Haram doit être analysé dans le contexte des conditions actuelles du Nigeria : c’est le pays le plus peuplé d’Afrique, la première économie et le premier producteur de pétrole du continent. Mais des niveaux insoupçonnés de corruption l’ont empêché de disposer d’un développement de base et d’infrastructure.

Les disparités entre le Nord du pays, majoritairement musulman, et le Sud, dominé par les chrétiens, sont également importantes pour comprendre le conflit. Aujourd’hui une bonne partie du Nord est à la traine par rapport au Sud en termes d’éducation, de santé, en raison d’une liste complexe de facteurs historiques, culturels, etc.

Voici une explication de Boko Haram et de son insurrection violente

Les débuts en 2003


Le groupe connu aujourd’hui sous le nom de Boko Haram a commencé à émerger en 2003, quand un groupe d’individus ressemblant à des islamistes s’est retiré à Kanamma, une localité lointaine du Nord. De violents affrontements les y opposent aux autorités.

Ils étaient des disciples d’un jeune prêcheur charismatique du nom de Mohammed Yusuf. Il avait une interprétation stricte et fondamentaliste du Coran et croyait que la création du Nigeria par les colonisateurs britanniques avait entrainé chez les musulmans une vie occidentale et anti-islamique.

On ne sait pas si Yusuf a joué un rôle direct dans la violence en 2003 et au début de 2004. Il avait plus tard nié tout rôle, en affirmant que les jeunes impliqués avaient simplement étudié le Coran chez lui.

Signification de ‘Boko Haram’


Yusuf avait implanté sa propre mosquée à Maiduguri, une ville du Nord-est. Des étrangers affluaient de plus en plus pour étudier sa secte salafiste dite Boko Haram, basée sur leur compréhension de ses enseignements.

La traduction la plus acceptée du nom, une expression en langue locale Haussa, est: ‘’l’éducation occidentale est interdite’’. Cela pourrait avoir un sens plus large, d’autant plus ‘’boko’’ peut aussi signifier ‘’la fraude de l’Occident’’ ou toute autre interprétation similaire.

Le groupe a indiqué qu’il veut être reconnu par l’expression que l’on peut traduire par ‘’Les personnes engagées en faveur des enseignements du Prophète pour la propagation et le Jihad’’.

Cinq jours de soulèvement et de répression


À travers une opération dénommée ‘’Flush II’’, les autorités ont attaqué les disciples de Yusuf en 2009 à Maidiguri, blessant au moins 17 membres de Boko Haram. Très remonté, Yusu dénonce les forces de sécurité et appelle ses disciples à se soulever contre elles.

Lors d’une violente campagne qui a duré cinq jours, ils attaquent les commissariats de police et engagent des combats à l’arme lourde avant que les militaires n’entament la répression. Yusuf a été par la suite capturé par les soldats et livré à la police, qui l’a abattu. La police a expliqué qu’il avait été tué en tentant de s’échapper, mais des témoins ont dit qu’il avait été exécuté.

Plus tard, dans une vidéo présentée comme provenant des forces de sécurité, il est demandé aux individus suspectés d’appartenir à Boko Haram de se coucher à même le sol avant d’être tués par balle. Environ 800 personnes ont perdu la vie dans ce cycle de violence.

Un an de clandestinité


Boko Haram est allé dans la clandestinité pendant un an, après la révolte, mais il est réapparu en 2010 avec des assassinats et une grande attaque contre une prison. L’adjoint de Yusuf, Abubakar Shekau, dont la police annonçait la mort dans le soulèvement de 2009, commence à se faire passer, dans des messages vidéos, pour le nouveau leader du groupe.

Les attaques deviennent de plus en plus meurtrières et sophistiquées avec l’usage d’explosives. Un kamikaze enfonce une voiture piégée au quartier général de l’ONU dans la capitale Abuja en 2011, tuant 23 personnes dans ce qui est considéré comme l’incident le plus spectaculaire. Une telle scène de violence devient de plus en plus fréquente dans les régions nord et centre du Nigeria.

La rébellion devient même plus compliquée quand une faction de Boko Haram – qui se fera appeler plus tard Ansaru – apparait en enlevant des étrangers. La principale faction de Boko Haram se met également à kidnapper des étrangers.Shekau revendique ainsi l’enlèvement une famille française de sept membres en février 2013.

Les écoliers comme cibles


En 2013, Boko Haram prend pour cibles les élèves dans une série d’attaques ignobles dans le Nord-est en tuant des dizaines de garçons. Plus tard, des informations feront état de l’enlèvement de filles et de femmes en vue de les violer ou de les marier.

En avril 2014, des assaillants attaquent Chibok, dans le Nord-est du Nigeria and enlèvent 276 collégiennes, âgées de 16 à 18 ans. 219 d’entre elles sont jusqu’ici introuvables. Shekau revendique l’enlèvement dans une vidéo et menace de les vendre.

Boko Haram, un terme général


Aujourd’hui, il est mieux d’analyser Boko Haram comme un terme général, avec une vraie organisation au sommet seulement. Les cellules peuvent mener des attaques pour des raisons qui leur sont propres, en recrutant des combattants si nécessaire d’une armée de jeunes hommes qui sont susceptibles d’embrasser l’idéologie extrémiste et espèrent en bénéficier financièrement ou autrement.

Pout toutes ces raisons, il est extrêmement difficile, voire impossible, de dire le nombre exact de disciples de Boko Haram. On ne peut pas non plus dire le nombre de rebelles sous le commandement de Shekau – ou même dire s’il est toujours en vie, après que les militaires ont encore annoncé qu’il pourrait être tué. Un individu ressemblant à Shekau et parlant comme lui, passe dans des vidéos jusqu’ici et la violence ne fait qu’empirer.

Financement et armement


Boko Haram s’est financé notamment à travers les enlèvements, les braquages de banque et d’autres activités illégales. On croit que le groupe a envahi au moins un dépôt de s de l’armée nigériane. Il faut noter que les armes illégales sont trafiquées en Afrique de l’Ouest et il devient ainsi facile à Boko Haram de s’en procurer.

Il y a eu des accusations de parrainage politique, mais peu de preuves ont été fournies. A ce point, l’insurrection s’est muée en monstre avec plusieurs têtes, échappant au contrôle de tout politicien.

Liens avec les groups étrangers


Depuis 2004, de petits groups d’islamistes nigérians se sont rendus dans le Nord du Mali pour s’entraîner avec des extrémistes, à partir de ce qui deviendra plus Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Des infirmations circulent selon lesquelles Boko Haram et AQMI ont coopéré ces dernières années, probablement dans les domaines du ravitaillement en armes et de la formation.

Un certain nombre d’islamistes nigérians sont suspectés d’avoir établi des liens avec al-Shabaab en Somalie ou AQMI et ses démembrements. Cependant il n’y a pas de preuve de tels liens, et Boko Haram ne devrait être en aucune manière considéré comme une branche de ces organisations, ou d’al-Qaïda en général.

Leurs revendications


Les revendications des insurgés ont varié mais elles portent sur deux principaux points: la libération des prisonniers de Boko Haram et la création d’un Etat islamique. Au moment où Shekau prône la solidarité avec les Jihadistes à travers le monde, les revendications de Boko Haram sont restées locales et l’insurrection s’est nourrie de la pauvreté, du désespoir et du chômage dans le Nord du Nigeria. Trouver des leaders de Boko Haram capables de négocier un accord de paix au nom du groupe reste un défi majeur.

Réaction du gouvernement


En mai 2013, le Nigeria déclarait l’état d’urgence dans trois Etats du Nord-est – Borno, Yobe et Adamawa. Les militaires ont notamment réagi à travers des raids meurtriers qui ont débouché sur des accusations récurrentes d’abus sur les droits humains. De telles accusations incluent des arrestations sans discernement, des exécutions extrajudiciaires et l’incendie de maisons. Mais les militaires ont rejeté ces accusations.

Mike Smith fut le chef du bureau de l’AFP à Lagos de 2010 à 2013. Son livre Boko Haram: Inside Nigeria’s Unholy War” est disponible à IB Tauris. Traduit de l'anglais par Assane Diagne.

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