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FICHE D’INFO – Liberté de la presse : l’Afrique subsaharienne progresse malgré un recul mondial

Cet article date de plus de 4 ans

Dans l’édition 2019 du Classement mondial de la liberté de la presse, Reporters Sans Frontières (RSF) constate « une nouvelle dégradation mondiale de la liberté de la presse ».

L’Organisation souligne cependant une progression globale en Afrique subsaharienne où l’Ethiopie (110e, + 40) et la Gambie (92e, +30) sont le symbole de progrès significatifs dans la région.

Et même lorsque RSF signale que « plusieurs régimes autoritaires perdent des places au Classement » cette année – parmi eux – l’Erythrée fait, néanmoins, un bon d’une place (178e, +1) mais demeure un des pays où la liberté de la presse est dans la zone noire ; traduisant ainsi une situation très difficile.

Afrique subsaharienne : progrès et contrastes


L’Ethiopie, « abonnée aux abîmes du Classement, effectue un bond de 40 places à la faveur d’un changement de régime ». RSF note que « les mesures en faveur de la liberté de la presse prises par le nouveau Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed ont été aussi rapides que prometteuses ».

La Gambie, elle, « gagne 30 places et confirme l’excellente dynamique engagée depuis le départ du dictateur Yahya Jammeh », indique RSF. « De nouveaux médias ont été créés, des journalistes sont revenus d’exil et la diffamation a été reconnue anticonstitutionnelle » en Gambie fait savoir Reporters Sans Frontières.

Comme la Gambie, l’Angola (109e, +12) « qui a elle aussi connu un changement de régime en 2017, affiche une progression plus mesurée ». RSF relève que « le droit d’informer a été reconnu par la justice lors de l’acquittement de deux journalistes poursuivis par un ancien procureur général, mais le coût prohibitif des licences d’exploitation et l’absence de volonté politique d'ouvrir le secteur de l’audiovisuel à de nouveaux opérateurs nuit au pluralisme médiatique et empêche le pays de progresser plus rapidement au Classement ».

Le nouveau Classement met en lumière un contraste entre la Namibie (23e), qui regagne sa première place (qu'elle occupait en 2017) en Afrique, le Burkina Faso (36e) et le Sénégal (49e), « qui bénéficient de paysages médiatiques parmi les plus pluralistes » et « les trous noirs de l’information que sont l’Erythrée (178e) et Djibouti (173e), où aucun média indépendant n’est autorisé à travailler ».

Au Zimbabwe (127e, -1) par exemple, RSF signale « plusieurs agressions parfois très violentes contre des journalistes ».

Aussi, en « Tanzanie (118e, -25), le changement de président en 2015 s’est accompagné d’attaques sans précédent contre la presse, et le pays a poursuivi son inquiétante dégringolade en 2018 ». Les journalistes « y sont attaqués en toute impunité, et aucune enquête sérieuse n’est menée par les autorités pour retrouver Azory Gwanda, un journaliste disparu depuis novembre 2017 », souligne RSF.

D’autres pays comme la Mauritanie (94e, -22), la République centrafricaine (145e) et la Somalie (164e) continuent de perdre des places au baromètre de la liberté de la presse établi par RSF.

« Comme en 2017, la Somalie reste le pays africain le plus meurtrier pour les journalistes. Trois professionnels de l’information y ont été tués (…) Le pays partage cette année ce triste palmarès avec la République centrafricaine qui perd 33 places au Classement après le triple assassinat de journalistes d'investigation russes venus enquêter sur la présence de mercenaires dans ce pays ».

« La haine des journalistes, les attaques contre les reporters d’investigation, la censure, notamment sur internet et les réseaux sociaux, les pressions économiques et judiciaires contribuent à affaiblir la production d’une information libre, indépendante et de qualité sur un continent où la liberté de la presse a connu d’importantes évolutions en 2018 », lit-on dans Rapport 2019 de RSF.

 

A l’échelle mondiale 


RSF signale de fortes dégradations affectant « des régions en principe vertueuses ».

A l’échelle mondiale, l’Afrique « enregistre la plus faible dégradation régionale de l’édition 2019 du Classement mais aussi certaines des plus fortes évolutions de l’année écoulée », met en exergue RSF.

A l’inverse de l’Afrique, c’est la zone Amérique du Nord et du Sud qui enregistre la plus grande dégradation de son score régional.

« Ce mauvais résultat n’est pas seulement dû aux piètres performances des Etats-Unis, du Brésil et du Venezuela.

Le Nicaragua (114e), qui dévisse de 24 places, subit l’une des baisses les plus significatives en 2019 », indique le rapport précisant que la zone « abrite aussi l’un des pays les plus meurtriers, le Mexique, où au moins dix journalistes ont été assassinés en 2018 ».

L’Union européenne et les Balkans enregistrent la deuxième plus forte dégradation du Classement de RSF.

« Dans cette zone qui reste celle où la liberté de la presse est la mieux respectée et qui est en principe la plus sûre, les journalistes doivent aujourd’hui faire face aux pires menaces », mentionne RSF.

Quant à la zone Moyen-Orient et Afrique du Nord, RSF la présente comme étant « celle où il est le plus difficile et le plus dangereux pour les journalistes d’exercer leur profession ». L’Iran (170e, -6) « est l’une des plus grandes prisons de journalistes au monde » et « seule la Tunisie fait figure d’exception (72e, +25) et enregistre une baisse notable du nombre d’exactions ».

Dans la zone Europe de l’Est et Asie centrale, Reporters Sans Frontières évoque « une légère amélioration de l’indice régional » mais elle « conserve, année après année son avant-dernière place dans le Classement ».

« C’est dans cette région que l’indicateur qui évalue la qualité du cadre légal est le plus dégradé (…) La Russie et la Turquie (plus grande prison pour les professionnels des médias) persistent à réprimer la presse indépendante », renseigne RSF saluant, toutefois, les progrès de l’Arménie (61e, +19) dont « la révolution de velours a permis de desserrer l’emprise du pouvoir sur l’audiovisuel public ».

Enfin, la zone « Asie-Pacifique concentre tous les maux qui entravent l’exercice du journalisme et affiche cette année un indice régional stable qui la maintient dans les plus mauvaises places ». Si RSF y souligne un nombre particulièrement élevé de journalistes assassinés – notamment en Afghanistan, en Inde et au Pakistan – « la désinformation devient aussi un véritable fléau régional ».

« En Birmanie, l’instrumentalisation des réseaux sociaux a contribué à banaliser les messages de haine anti-rohingyas et à normaliser le fait que deux journalistes de Reuters se retrouvent condamnés à sept ans de prison pour avoir tenté d’enquêter sur le génocide dont est victime cette communauté », argue RSF.

Au baromètre de la liberté de la presse en 2019, seulement 24 % des 180 pays et territoires affichent une situation bonne ou plutôt bonne contre 26 % en 2018. Un recul donc.

 

 

« La traque des journalistes semble ne plus avoir de limite »


Le journaliste ghanéen Ahmed Hussein-Suale a été assassiné par balles. © Hussein-Suale Family/Handout

Jamais les journalistes américains n’avaient fait l’objet d’autant de menaces de mort, relève, à titre d'exemple, Reporters Sans Frontières.

Aussi, en plus des pressions judiciaires – en France, en Algérie, en Croatie, à Malte, en Pologne, en Bulgarie entre autres  – « les journalistes d’investigation sont la cible d’intimidations multiformes » comme au Ghanale principal suspect de l’assassinat du journaliste Ahmed Hussein-Suale vient d’être arrêté.

« La traque des journalistes qui gênent les pouvoirs en place semble ne plus avoir de limite. Le meurtre sordide de l’éditorialiste saoudien Jamal Khashoggi, commis de sang-froid au sein du consulat en Turquie en octobre dernier, a envoyé un message glaçant aux journalistes bien au-delà des frontières du seul royaume d’Arabie saoudite (172e, -3) », écrit RSF.

Pour l’Organisation, « menaces, insultes et agressions font désormais partie des risques du métier de journaliste dans de nombreux pays » à travers le monde.

 

 

La « mécanique de la peur »


« L’Afrique subsaharienne n’échappe pas à la nouvelle dégradation mondiale de la liberté de la presse », selon RSF qui dénonce un « journalisme d’investigation traqué » et un « Chape de plomb sur les élections ».

« L’enquête journalistique reste une pratique à haut risque en Afrique subsaharienne » – souligne Reporters Sans Frontières – d’autant plus lorsque le contre-exemple vient des meilleurs : « le Ghana (27e), premier pays africain de l’édition 2018, a perdu son leadership régional pour ne pas avoir protégé un groupe de reporters d’investigation qui faisaient l’objet de menaces, notamment de la part d’un député de la majorité, après la diffusion d’une enquête sur la corruption dans le football ghanéen ».

C'est dans ces circonstances que le journaliste Ahmed Hussein-Suale, un des membres de ce groupe de journalistes, a été abattu en pleine rue en janvier 2019, rappelle RSF.

La République démocratique du Congo (154e) est le pays du continent où RSF dit avoir enregistré le plus d’exactions en 2018.

Au Libéria (93e, -4), au Mozambique (103e, -4), au Cameroun (131e, -2), au Soudan (175e), entre autres, RSF dénonce également des pressions sur des médias et des journalistes.

« Les suspensions de médias, notamment internationaux, restent une arme largement utilisée pour empêcher la diffusion d'informations critiques et le débat d’idées. Deux radios étrangères, la BBC et VOA restaient interdites au Burundi (159e) début 2019 après avoir été initialement suspendues six mois en amont du référendum constitutionnel », relève RSF.

 

 

« Nouvelles pressions économiques »


« Violences, arrestations, suspensions : le traditionnel triptyque utilisé pour museler la presse est désormais souvent complété par un panel de pressions économiques de plus en plus étoffées », alerte RSF.

En Afrique subsaharienne, « la Tanzanie a adopté une loi imposant une moyenne de 900 dollars par an pour enregistrer un blog ou un site d’information. Une somme exorbitante qui n’a d’autre objectif que de limiter au maximum la diffusion d’informations en ligne », écrit RSF dans son dernier rapport.

En Ouganda, (125e), le président Yoweri Museveni a fait adopter une taxe journalière sur les réseaux sociaux, la première du genre sur le continent, selon RSF.

« Un projet de taxe similaire a été annoncé en Zambie (119e, -6). Un temps envisagé au Bénin (96e), les autorités y ont finalement renoncé ».

RSF signale encore que « les pressions les plus fortes sont venus du Mozambique, où à un an des élections générales, les autorités ont décidé d’instaurer de nouveaux frais d'accréditation prohibitifs, qui porteraient à plusieurs milliers de dollars l’autorisation de venir effectuer un reportage ou de s’installer comme correspondant dans le pays ».

La mesure n’est pas encore effective mais si elle s'applique, prévient RSF, le Mozambique détiendra le record du reportage le plus cher d’Afrique.

 

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