Cet article date de plus de 7 ans
Le Sénégal est devenu l’un des principaux pays producteurs d’or en Afrique de l’Ouest, avec, le Ghana, le Mali et le Burkina Faso. Ceci est le résultat du code minier adopté en 2003 et qui favorisait les investisseurs. Néanmoins, la réforme de ce cadre légal entreprise depuis 2013 est bloquée. Africa Check a cherché à en savoir davantage sur le business du métal jaune et ses retombées pour l’Etat du Sénégal et les communautés locales.
Près de 37 tonnes d’or produites depuis 2009
Depuis 2009, le Sénégal est, en effet, un producteur régulier d’or. Ceci est l’œuvre de la compagnie Sabodala Gold Operations (SGO), une filiale de la firme canadienne Teranga Gold Operations (TGO). Elle a racheté de MDL (Mineral Deposits Limited) la mine de Sabodala en 2010 puis les permis d’exploration d’Oromin Joint Venture Group. Explorant plus de 1.000 Km2, elle jouit, pour le moment, d’un quasi-monopole sur les gisements aurifères de Sabodala, dans le sud-est du pays.
Les statistiques relatives à la production d’or industriel au Sénégal sont livrées par la Direction des mines et de la géologie, dans son bulletin Infos Mines 2013, et la SGO elle-même, à travers ses rapports techniques et financiers annuels et ceux relatifs à sa responsabilité sociétale d’entreprise (RSE).
Tableau récapitulatif de la production d'or au Sénégal (en tonnes)
Année | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 |
Production d’or industriel | 4,957 | 4,544 | 4,301 | 6,241 | 6, 201 | 6,2 | 5 |
Source : BCEAO
Toujours est-il que le premier lingot d’or produit après réforme a été présenté au président Abdoulaye Wade par MDL, en 2008.
Aly Sagne, ex-représentant des organisations de la société civile dans le Comité national ITIE (Initiative pour la transparence dans les industries extractives), a confié à Africa Check que la Direction des mines « est habilitée à certifier les quantités d’or produites». D’ailleurs, le directeur des mines est présent ou représenté à chaque cérémonie de présentation du rapport annuel de la compagnie, selon M. Sagne.
L’augmentation de la production est-elle envisageable ?
Il est attendu une augmentation de la production aurifère dans les années à venir. La SGO a démarré l’exploitation à Gora, une nouvelle mine découverte dans les environs de Sabodala. Par ailleurs, la compagnie Torogold envisage de démarrer l’exploitation d’une mine à Mako (40 km de Kédougou), à partir de 2017.

En 2015, plus de 45 compagnies minières ont acquis des licences d’exploration d’or dans la région de Kédougou selon le directeur régional des mines, Oumar Wane, interrogé par la revue de la bonne gouvernance consacrée à l’information minière et éditée par le Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI) de Dakar, en partenariat avec l’ONG Oxfam.
Le Sénégal ne dispose, pour le moment, ni de comptoir de commercialisation d’or, ni de raffinerie.
L’or est-il devenu le premier produit d’exportation du Sénégal ?
Selon la Note d’analyse du commerce extérieur (NACE) produite par l’Agence nationale des statistiques et de la démographie (ANSD), les parts de l’or dans les exportations ont connu une tendance haussière. Elles se sont arrêtées à 14,2% en 2013 et en 2014.
Valeur de l’or exporté en FCFA
Année | Montant |
2012 | 222,3 milliards |
2013 | 176,3 milliards |
2014 | 170,7 milliards |
Source : ANSD
L’ANSD explique que cette variation de la valeur est surtout due à la baisse des cours du dollar et de l’once d’or sur le marché mondial. La même source révèle qu’« entre 2012 et 2013, l’or non monétaire a occupé le premier rang des exportations du Sénégal au détriment des produits pétroliers ».
« Toutefois en 2014, constate l’ANSD, les produits de la pêche ont occupé le devant de la scène, tirés principalement par les poissons frais de mer ». La NACE 2015 n’est pas encore publiée.
Contacté par Africa Check, l’économiste Mouhamadou Bamba Diop de la Direction de la planification des politiques économiques (DPEE), a indiqué que c’est « la valeur de l’or sur le marché international qui fait que le produit occupe cette place dans le tableau des exportations du Sénégal et non pas la quantité produite ».
Y a-t-il des retombées pour l’Etat ?
L’accord global signé par la SGO le 31 avril 2013 devrait permettre à l’Etat du Sénégal d’encaisser 50 milliards F CFA chaque année et ce, à partir du 2 mai 2015. Cela coïncide avec la fin du congé fiscal accordé à la compagnie depuis 2010 et prévu par le code minier. Les recettes de l’Etat incluent donc la redevance minière, les impôts sur les revenus et l’impôt sur les sociétés, les droits de douane et taxes liés à l’exploitation. Elles sont toutes répertoriées dans les rapports RSE annuels 2011, 2014, 2015 de la compagnie.
Montants versés au gouvernement en dollars US
Année | Montant |
2011 | 6, 2 millions |
2012 | 17, 596 millions |
2013 | 28 ,708 millions |
2014 | 32, 269 millions |
2015 | 42, 751 millions |
Source : SGO
Ce niveau des retombées avait poussé le gouvernement de Macky Sall à initier une révision du code sur la base d’une revue des conventions minières signées avec les compagnies. La Commission de revue des conventions minières créée en août 2012 a déposé son rapport final le 28 décembre 2012. Elle avait estimé le manque à gagner pour l’Etat à 401 milliards de FCFA sur la période de 2005 à 2012. Les revenus directs perçus des compagnies minières s’étaient établis à 42 milliards de FCFA durant la même période.
Pour une meilleure transparence des sommes versées par les entreprises minières, l’Etat du Sénégal s’est déclaré candidat à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives en publiant son premier rapport de conciliation 2013.
D’ailleurs, SGO a contribué à l’économie sénégalaise à plus de 105 milliards de francs CFA 2015, en dépit des « contreperformances économiques et financières » notées au cours de cette période, selon son directeur général Abdoul Aziz Sy.
Cette contribution de la SGO équivaut à 1% du PIB du Sénégal, a précisé M. Sy, lors de la publication officielle du rapport RSE de sa société.
Les communautés riveraines en profitent-elles pour autant ?
En dehors des obligations vis-à-vis de l’Etat, la compagnie doit appuyer les communautés locales à améliorer leurs conditions de vie. La SGO contribue alors au Fonds social minier en prenant en charge directement des investissements communautaires et des besoins exprimés par les populations riveraines de la mine. Chaque année, elle se doit de tout retracer dans son rapport RSE.
Contribution au Fonds social minier
Année | Montant |
2011 | 425 000 dollars |
2012 | 805 000 dollars |
2013 | 821 000 dollars |
2014 | 844 228 dollars |
2015 | 1, 218 million de dollars |
Source : SGO
Ces montants n’incluent pas les appuis institutionnels faits à l’administration des mines et à certaines autorités locales.
Pour l’expert en RSE et gouvernance minière, Aly Sagne, « les projets sociaux sont toujours un gain pour une partie de la population. Cependant l’approche pour la mise en œuvre limite les opportunités pour les compagnies minières, seules responsables de leurs choix de développement ».
Selon M. Agne, directeur de l’ONG Lumière Synergie pour le développement, « s’il s’agit de considérer la RSE de façon globale, tant que ce sera volontaire, les programmes seront toujours mitigés et non efficaces ».
Depuis 2015, le processus de révision du code n’avance guère. L’avant-projet de code minier avait été renvoyé pour seconde lecture. Le Parlement attend encore d’être saisi pour pouvoir légiférer.
Production annuelle de la SGO en onces : une once = 30 grammes d’or environ
Année | Quantité |
2011 | 214 310 onces |
2012 | 131 461 onces |
2013 | 207 204 onces |
2014 | 211 823 onces |
2015 | 182 282 onces |
Source : SGO
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