Cette vidéo n’est pas celle d’un policier israélien en train d’étrangler et de brutaliser un enfant palestinien

Une vidéo présentée comme étant celle d’un Israélien en train d’étrangler et de brutaliser un petit Palestinien circule sur Facebook alors que la tension s’est accrue en décembre 2022 entre Israël et la Palestine, en conflit depuis la création, il y a près de 75 ans, de l’État israélien.

Une histoire marquée par des guerres et violences

L’État d’Israël a été « proclamé le 14 mai 1948 », rappelle le journal français La Croix dans un article retraçant le conflit israélo-palestinien en « dix dates clés » (voir aussi sur le sujet sur le site de l’ONU). Il a été créé « dans les frontières » d’un plan de partage de l’ONU voté en 1947, contre l’avis des Palestiniens et des pays arabes, concernant une zone issue du déclin de l’Empire turc (ou ottoman), qui s’appelait alors « Palestine mandataire » ou « Palestine sous mandat britannique ». Le territoire devait être divisé « entre un État juif (55 % du territoire), un État arabe (45 % du territoire) et une zone sous administration internationale correspondant à Jérusalem », selon la même source.

Depuis, l’histoire de cette région s’écrit au rythme de guerres et attentats, d’attaques et de représailles, de trêves et de nouvelles éruptions de violences, avec leur cortège de morts mais aussi, pour les Palestiniens, de réfugiés et déplacements forcés.

« Au fil du temps, des guerres et des cessez-le-feu avec ses voisins, Israël a redessiné les frontières de la région et accentué son contrôle sur ce qu’on appelle les territoires palestiniens occupés », est-il expliqué dans une vidéo sur le conflit israélo-palestinien publiée le 23 janvier 2019 par la plateforme éducative et pédagogique française Lumni sur son site. « Cela signifie que la Cisjordanie et Gaza sont des zones habitées par des Palestiniens, mais de nombreuses colonies de peuplement israéliennes y ont été construites. Ces colonies ont été réprouvées par la communauté internationale », y est-il précisé.

Raids et attentats meurtriers

Moins de deux mois après des élections législatives, Israël s’est doté le 29 décembre 2022 d’une nouvelle équipe de ministres sous la direction du Premier ministre Benjamin Netanyahou. Un gouvernement qui, selon les connaisseurs de la région, est «  l'un des plus à droite de l'Histoire du pays et qui est notamment composé de partisans d'une ligne dure vis-à-vis des Palestiniens », ainsi que l’a écrit le 23 février 2023 le journal français La Croix. Selon une fiche d’information du ministère français des Affaires étrangères sur Israël actualisée en février 2023, dans leur programme de pouvoir, les nouveaux dirigeants israéliens prévoient « notamment une accélération de la colonisation sous différentes formes », nourrissant des inquiétudes pour la paix dans la région au sein de nombreux pays et organisations à travers le monde dont l’ONU.

La zone a enregistré en janvier 2023 des explosions de violences ayant fait plusieurs dizaines de morts, en grande majorité des Palestiniens, selon des bilans établis par l’Agence France-Presse (AFP) d’après des sources officielles de part et d’autre. « Depuis le début de l'année (2023, NDLR), le conflit israélo-palestinien a coûté la vie à 60 Palestiniens (parmi lesquels des membres de groupes armés et des civils, dont des mineurs) et à neuf civils (dont trois mineurs) et un policier israéliens ainsi qu'une Ukrainienne, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de sources officielles israéliennes et palestiniennes », peut-on lire dans un article publié le 22 février 2023 par le média français France 24 après une opération des forces israéliennes à Naplouse, en Cisjordanie ayant fait, de même source, onze Palestiniens tués, plus de 80 personnes blessées.

Auparavant, le 26 janvier 2023, l’armée israélienne affirmant rechercher des activistes islamistes a mené une opération dans le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie occupée. Bilan : neuf Palestiniens tués, une vingtaine d’autres blessés, d’après un décompte du ministère palestinien de la Santé rapporté le même jour par la presse internationale incluant France 24 et La Croix.

Le lendemain, 27 janvier 2023, un homme armé a ouvert le feu près d’une synagogue sur des passants et fidèles sortant de leur prière du shabbat à Jérusalem-Est, partie de la ville annexée par Israël. Bilan : sept morts, selon la police israélienne citée notamment par France 24. De même source, l’assaillant a été tué par la police. Le shabbat, également orthographié sabbat, chabbat ou chabat, « est un jour de repos et de célébration qui commence le vendredi au coucher du soleil et se termine le lendemain soir après la tombée de la nuit », explique Chabad, site d’un mouvement dédié à la diffusion du judaïsme.

Vidéo difficile à regarder

Dans la foulée de ces violences, le 3 février 2023, une utilisatrice de Facebook identifiée comme Zouya Lol a partagé une vidéo dont les images peuvent être difficiles à regarder pour certaines personnes. Ce film de 55 secondes montre un adulte portant un gilet vert fluorescent, assis sur un garçon qu’il brutalise en le maintenant au sol. L’enfant essaie de se dégager de son étreinte, sans succès, puis, index levé, il se met à prononcer des mots, semblant être ceux de la chahada (ou shahada), profession de foi chez les musulmans et un des piliers de l’islam.

La vidéo est accompagnée d’un texte en partie en arabe, en partie en français, complété par des pictogrammes (emojis ou émoticônes) de deux paumes de mains côte à côte tournées vers le haut. Cet émoji est utilisé « par exemple pour signifier un geste de prière ou de supplication » et, « par extension, il exprime l’espoir, la foi, la vénération ou la déférence », indique le blog Iconoclic, dédié à ces petits dessins et à leur signification.

Dans la partie en français de la publication de l’internaute Zouya Lol, voici ce qu’on peut lire (texte reproduit tel qu’écrit) : « Un policier israélien étrangle un enfant palestinien à la mort samedi lors de la manifestation de l'ambassade américaine à Jérusalem. Le garçon innocent a même lu Kalima e shahadat avant de mourir. Malgré de nombreuses tentatives par des groupes pour télécharger cette vidéo sur Youtube, elle a été systématiquement supprimée et supprimée de google, Facebook et YouTube. SVP rendre cette vidéo virale afin qu'elle atteigne tous les médias ».

Selon le service de traduction automatique de Google, Google Traduction, dans la partie du message en arabe (« حسبنا الله هو نعم الوكيل و النصير ربي يتولاهم لعنة الله عليهم إلى يوم الدين شيء يوجع القلب ..يا ربي تقبل هذا الطفل في عليّين و انتقم من المجرمين  »), elle voue l’adulte aux gémonies et prie pour le repos de l'enfant.

Sur l’auteure de la publication

La page Facebook de Zouya Lol (un demi-millier d’abonnés au 23 février 2023) est un compte personnel, créé par une personne qui s’est identifiée comme une femme, mariée, originaire de Monastir, en Tunisie, et vivant dans la même ville.

Vidéo trompeuse

La publication de Zouya Lol a été partagée par d’autres comptes sur la plateforme par (1, 2, 3).

Mais cette vidéo n’est pas récente.

La recherche inversée d’images à partir du logiciel InVID nous a permis de la retrouver et de constater qu’elle circule sur Internet depuis 2015. Selon les résultats de notre vérification, elle a été filmée en Suède, où elle a suscité un grand émoi.

L’adulte est un agent de sécurité d’une gare de Malmö (sud de la Suède), a expliqué le journal français Le Parisien dans un article sur cette affaire publié sur son site le 13 février 2015.

Selon le journal, la scène s’est produite le 6 février 2015 : « Un enfant de 9 ans, interpellé à la sortie d'un train car il n'avait pas de billets, a été violemment maîtrisé par un agent de sécurité d'une des gares de Malmö », et le garçon est « un immigré marocain ». Sur la vidéo, il « récite une prière et demande à ce qu'on le lâche ».

Une capture de la séquence est utilisée par le site web de la radio publique suédoise Sverige Radio pour illustrer un article sur le même sujet publié le 9 février 2015. Le texte, en anglais, est intitulé : « Un agent de sécurité accusé d'avoir utilisé une force excessive contre un enfant » (« Security guard accused of using excessive force against a child »). Il s’appuie sur un récit du quotidien suédois Sydsvenskan, basé à Malmö, qui a publié la vidéo sur sa chaîne YouTube le 9 février 2015 (elle y était toujours consultable au 23 février 2023).

D’après les médias suédois évoqués, le garçon de 9 ans était en compagnie d’un autre, plus âgé (13 ans). Tous deux avaient été surpris sans ticket dans le train. Des témoins ont indiqué que les deux enfants ne parlaient pas suédois.

Dans son article mis en ligne le 13 février 2015, Le Parisien a affirmé que l’agent de sécurité ayant brutalisé le garçon avait été suspendu, et qu’une enquête avait été ouverte.

Infox récurrente

Ce n’est pas la première fois que cette vidéo partagée sur Facebook notamment par l’internaute Zouya Lol est présentée comme étant celle d’un enfant palestinien victime de brutalité d’un membre des forces israéliennes.

Elle avait notamment été repérée dans une infox en mai 2018 par Les Observateurs, une émission participative de la chaîne de télévision France 24 ainsi que dans une désinformation sur Facebook en juillet 2020 par l’agence allemande de presse DPA (pour Deutsche Presse-Agentur).

Attention à la manipulation et aux infox dans le contexte des nouvelles violences en Israël et en Palestine.