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Anacarde : le producteur ivoirien deux fois moins rémunéré que son confrère burkinabè ?

Cet article date de plus de 5 ans

« Tout peut s'expliquer et se concevoir, mais j'espère qu'on aura une explication valable pour nous dire pourquoi au sein de la même CEDEAO [Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest], les paysans ivoiriens sont moins rémunérés que les paysans burkinabè pour le même produit agricole », a écrit ce lecteur, Major Doumbia, dans un post Facebook destiné à Africa Check.

« Cela serait-il lié à un prélèvement de ressources à verser à une caisse de retraite et une prise en charge médicale pour les paysans ? »,  s’est-il interrogé.

Africa Check a cherché les preuves de cette différence annoncée du prix de l’anacarde, ou noix de cajou, entre la Côte d’Ivoire et ses voisins ouest-africains.

Le prix est-il plus élevé dans les pays voisins ?


Pour la campagne de commercialisation 2018, l’Etat ivoirien a fixé le prix du kilogramme de la noix de cajou à 500 francs CFA (0,76 euro ou 0,88 dollar américain [USD]. Toutes les conversions en dollar dans cet article reposent sur le taux de change au 18 juin 2018), contre 440 francs CFA en 2017 (0,77 USD) . Au Burkina Faso, le kilogramme est cédé 900 francs CFA (1,37 euro soit 1,59 USD), contre 1.000 francs CFA (1,52 euro soit 1,76 USD) en Guinée-Bissau et au Ghana.

Cette information a été confirmée par Adama Bamba, président de la Fédération nationale des producteurs de l’anacarde en Côte d’Ivoire, à l'Agence Anadolu (agence du gouvernement turc). « Le prix bord champ dans d'autres pays de la sous-région est le double de celui de la Côte d'Ivoire », a-t-il ajouté.

Le prix bord champ est le prix minimal garanti par le gouvernement au producteur. Il correspond au prix à la sortie du champ.

En Guinée-Bissau, Insen Foods et Mery Logistics, deux entreprises enregistrées au Sénégal, ont signé, le mardi 1er mai 2018, un contrat d’achat de 120.000 tonnes de noix de cajou au prix de 1.000 francs CFA le kilo (1,52 euro / 1,76 USD).

Qui fixe le prix de l’anacarde en Côte d’Ivoire ?


Africa Check a essayé de contacter la direction commerciale de l’Autorité de régulation du coton et de l’anacarde (ARECA), une institution mise en place par l’Etat ivoirien dont l’une des missions est d’encadrer le processus de fixation du prix d’achat de la noix d’anacarde aux producteurs.

Mais nos échanges de courriels n’ont pas eu de suite.

Dans son magazine bimensuel ARECA-Info de mars 2013, la structure précisait déjà qu'elle « ne fixe pas le prix de l’anacarde ».

« Elle encadre, sensibilise les acteurs à former un comité pour la fixation du prix de l’anacarde et invite tous les acteurs à s’entendre sur le prix », a expliqué la direction de l’ARECA.

Dans la lettre d’information Echos du Cajou produite par l’ARECA, Mamadou Meité, président du Comité de réflexion et de suivi de la campagne, explique que celui-ci a pour rôle de « statuer sur le prix du cajou à la veille de chaque de commercialisation ».

« Outre la présidence et le secrétariat assurés par l’ARECA, ce comité est composé des collèges de cinq producteurs, de trois exportateurs, de deux acheteurs et de deux transformateurs », mentionne le même document. « Notre principal support de travail pour la fixation des prix a été la matrice des coûts pour la commercialisation de l’anacarde ».

« Cependant, on a pris en compte des facteurs tels que la réalité du terrain, la qualité de la noix ivoirienne, l’environnement international, à savoir les offres des pays concurrents africains en fonction du KOR (la qualité), les variations du dollar, l’ajustement de certains postes spécifiques tels que la sacherie, certains frais financiers ».

Le prix inclut-il une cotisation sociale ?


La Côte d'Ivoire est l'un des principaux producteurs de noix de cajou dans le monde. Photo : Pixabay

Les statuts n’autorisent pas à l’ARECA de collecter des ressources financières à verser à une caisse de retraite encore moins à une mutuelle de santé pour les paysans, mais plutôt d’appliquer des redevances aux exportateurs pour assurer ses charges de fonctionnement.

Africa Check a interrogé le docteur Koffi Yao Julius, auteur de l’article scientifique « La dynamique de la transformation de la noix de cajou dans les zones rurales du Centre et du Nord de la Côte d’Ivoire ».

« Une retraite ou une mutuelle de santé pour les paysans, en théorie, on y pense. Mais en réalité, il n'en est rien du tout. Je dis bien que cela n'existe pas ! », a-t-il affirmé.

« Intérêts énormes »


Selon ce géographe, par ailleurs maître-assistant à l’Université Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire, « le prix d'achat des noix de cajou aux producteurs est moins cher, par rapport aux autres pays de la région se justifie par les intérêts énormes des acteurs, par les intérêts des structures connexes de l’Etat impliquées dans la gestion de la filière ».

« Toute chose qui réduit les marges de bénéfices des paysans qui s'en plaignent régulièrement. Les producteurs de plus en plus nombreux n'hésitent pas à faire sortir frauduleusement leurs productions pour les vendre dans les pays limitrophes comme le Ghana et le Burkina Faso », a-t-il souligné.

Conclusion : la noix de cajou coûte deux fois moins cher en Côte d’Ivoire mais son prix n’inclut pas de cotisation sociale


Le prix de la noix de cajou est deux fois moins cher en Côte d’Ivoire que dans certains pays d’Afrique de l’Ouest, en raison notamment d’une cotisation sociale, s’est récemment indigné un lecteur qui a demandé à Africa Check de vérifier.

Selon les informations disponibles, pour la campagne de commercialisation 2018, le prix du kilogramme est fixé à 500 francs FCFA (0,76 euro / 0,88 USD) en Côte d’Ivoire, contre 900 francs CFA (1,37 euro / 1,59 USD) au Burkina Faso et 1.000 francs CFA (1,52 euro / 1,76 USD) en Guinée-Bissau et au Ghana.

Le prix du kilogramme n’inclut aucune cotisation sociale pour le producteur ivoirien. Le système agricole ivoirien ne prévoit pas encore une pension de retraite pour les paysans du pays, si l’on se fie au géographe ivoirien et spécialiste de l’agriculture, Koffi Yao Julius.

Selon ce dernier et l'Autorité de régulation du coton et de l'anacarde (ARECA), le prix résulte d’un accord trouvé entre les collèges des producteurs, des exportateurs, des transformateurs et des acheteurs membres du comité de réflexion et de suivi des campagnes de commercialisation de la noix de cajou mis en place par l’ARECA.

Edité par Assane Diagne

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