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Recherche sur la tuberculose : les gouvernements déboursent quatre fois plus que l’industrie pharmaceutique

Cet article date de plus de 7 ans

A l’origine de la mort de près de 1,5 million de personnes chaque année, la tuberculose reste l’une des principales causes de décès dans le monde avec le VIH. Jusqu’ici, le financement privé pour la recherche-développement sur le traitement et la prévention n’est pas encore à la hauteur des attentes.

C’est pourquoi un panel de haut niveau de l’ONU a rencontré des groupes de plaidoyer pour la santé à Johannesburg, le mois dernier, pour voir les moyens de financer et d’encourager la recherche-développement sur la tuberculose.

Marcus Low, chercheur et activiste de l’ONG sud-africaine Treatment Action Campaign, a assisté à la rencontre. Il a confié au journal Business Day que « moins de 100 millions de dollars étaient investis dans la recherche-développement sur la tuberculose l’année dernière ».

Un montant de près d’1,3 milliard de dollars US est nécessaire pour combler le gap entre le financement disponible et celui nécessaire pour la recherche et le développement d’un médicament contre la tuberculose, indique l’Organisation mondiale de la santé.

Le montant investi dans la tuberculose peut-il être aussi faible ?

Des propos déformés, selon certaines sources


Un technicien de l’Université Eduardo Mondlane de Maputo, au Mozambique, a inoculé chez un rat géant des crachats humains pour voir s’il est infecté par la tuberculose. Photo AFP Un technicien de l’Université Eduardo Mondlane de Maputo, au Mozambique, a inoculé chez un rat géant des crachats humains pour voir s’il est infecté par la tuberculose. Photo AFP

M. Low a confié à Africa Check qu’il a été mal cité. « Ce que j’ai dit à Tamar [Khan de Business Day) est que l’industrie a investi moins de 100 millions de dollars dans la recherche sur la tuberculose l’année dernière », a-t-il expliqué.

« Je n’ai pas dit que l’investissement total dans la recherche sur la tuberculose (industrie plus gouvernements, fondations, etc.) était inférieur à 100 millions de dollars », a-t-il ajouté.

Pour étayer ses propos, M. Low cite des données contenues dans un report de l’organisation de plaidoyer basée aux Etats-Unis, Treatment Action Group (à ne pas confondre avec l’organisation de M. Low).

Le groupe envoie chaque année une enquête aux agences publiques de financement, aux organisations philanthropiques, aux groupes industriels et choisit des institutions académiques de recherche et à but non lucratif pour collecter des données. Les répondants à l’enquête sont invités à mentionner les décaissements pour l’un des six domaines de recherche : science fondamentale, diagnostic, médicaments, vaccins, recherche opérationnelle et infrastructure ou des projets non spécifiés.

Dans son rapport 2015, le Treatment Action Group a envoyé son enquête à 174 financiers connus et potentiels de la recherche sur la tuberculose. 107 fiches d’enquête ont été retournées, soit le retour le plus élevé en dix ans, avec 20 participants du secteur privé.

Les données du Treatment Action Group sont les meilleures et constituent pratiquement la seule source de données sur la recherche sur le financement de la tuberculose par l’industrie pharmaceutique, a indiqué à Africa Check le Professeur Charles Horsburgh, basé à Boston University et spécialisé sur la recherche sur la tuberculose.

Les données montrent que le financement du secteur privé s’élevait à environ 100 millions de dollars US (98.623.449 de dollars) en 2014, soit son plus bas niveau depuis 2008.

 « Les chances de succès commercial du médicament sont faibles »


Des chercheurs spécialistes de la tuberculose au laboratoire de l’Institut Pasteur à Paris. Cette structure inaugurée en novembre 1888 a beaucoup contribué à la lutte contre les maladies infectieuses grâce notamment à des financements étrangers. Photo AFP. Des chercheurs spécialistes de la tuberculose au laboratoire de l’Institut Pasteur à Paris. Cette structure inaugurée en novembre 1888 a beaucoup contribué à la lutte contre les maladies infectieuses grâce notamment à des financements étrangers. Photo AFP.

Les financements publics de la recherche sur la tuberculose font presque quatre fois  ceux du secteur privé (419 millions de dollars US). Même les philanthropes font mieux que les pharmaciens avec 149 millions de dollars.

Pourquoi les financements de l’industrie pharmaceutique sont si faibles pour l’infection la plus mortelle dans le monde ?

« Dans les années 70, on considérait que la tuberculose est maintenant maîtrisée et que les découvertes scientifiques nécessaires avaient été faites », a dit à notre partenaire Politifact, Richard Chaisson, directeur du Centre pour la recherche sur la tuberculose à Johns Hopkins University.

« Il se trouve que les découvertes du passé n’étaient assez bonnes pour assurer l’élimination de la tuberculose. Et l’avènement du VIH et d’une forme de tuberculose résistante au médicament a fait que la situation a empiré ».

Le Professeur Chaisson a ajouté : « l’industrie pharmaceutique n’y trouvait aucun intérêt, parce que la maladie touche d’abord des pauvres vivant des pays pauvres. Donc les perspectives d’un succès commercial du médicament sont faibles. Les coûts pour le développement d’un traitement pour la tuberculose sont surtout élevés à cause de la large taille et de la durée des essais cliniques ».

Mike Frick, du projet  de lutte contre la tuberculose et le VIH à Treatment Action Group, et auteur du rapport 2015, a déclaré à Politifact qu’il n’y a « pas de marché pour le développement d’un médicament contre la tuberculose. La question est traitée en priorité par le secteur public et les gouvernements voudront payer le prix le plus faible possible ».

Conclusion: 674 millions de dollars ont été investis dans la recherche sur la tuberculose au lieu de 100 millions


Suite à une réunion en Afrique du Sud pour encourager la recherche sur la tuberculose, Business Day a annoncé par erreur que 100 millions de dollars étaient investis dans la recherche sur la tuberculose l’année dernière.

Les meilleures statistiques disponibles montrent qu’en 2014, 674 millions de dollars ont été dépensés à travers le monde. La majorité vient du secteur public (419 millions de dollars). Cette situation est due, selon les experts, au coût élevé du développement d’un médicament contre la tuberculose, au moment où le rendement commercial est faible. De plus, les gouvernements voudront payer le prix le plus bas possible pour le traitement de leurs citoyens.

Note: Africa Check et Politifact ont reçu un financement de la Fondation Bill et Melinda Gates qui soutient également la recherche sur la tuberculose.

Traduit de l’anglais par Assane Diagne

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