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KARUMBA / AFP

Santé : non, le cancer n’est pas la première cause de mortalité dans le monde

Au Sénégal, le quotidien Le Soleil (média du service public) a rapporté que le cancer était la première cause de mortalité dans le monde. Cette affirmation est incorrecte.

Cet article date de plus de 1 an

  • « Le cancer est la  première cause de mortalité dans le monde » : Le Soleil, quotidien sénégalais.
  • Les maladies cardiaques sont la première cause de mortalité dans le monde selon les dernières données de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).

  • Le cancer reste, néanmoins, une importante cause de mortalité dans le monde, selon l'OMS et des experts interrogés par Africa Check.

 

Chaque année, la Journée mondiale contre le cancer est célébrée le 4 février. Dans sa parution du 6 février 2023 (page 7), le quotidien sénégalais Le Soleil a indiqué que « le cancer (était) la première cause de mortalité dans le monde ».

L'information apparaît dans un article intitulé : « Lutte contre le cancer, les autorités sanitaires insistent sur la prévention ».

La source est « un document remis à la presse », est-il mentionné dans l’article en question.

Source introuvable

Nous avons interrogé l’auteur de l’article, qui a assuré ne plus avoir en sa possession le document mentionné comme étant la source de l’information rapportée. Il nous a confié que le document lui avait été remis par un employé du ministère de la Santé et de l’Action sociale (MSAS) du Sénégal vers lequel il nous a orienté. Sollicité par Africa Check, ce fonctionnaire a, lui aussi, indiqué ne plus posséder ledit document, recommandant de nous rapprocher de la Ligue sénégalaise de lutte contre le cancer (Lisca).

Jusqu'à la publication de notre article, nous n'avons pas pu nous procurer ce document mentionné par le journal Le Soleil. Nous mettrons ce texte à jour quand nous pourrons en disposer.

La Lisca, qui se réfère aux données de l'Observatoire mondial du cancer (plus connu sous son acronyme Globocan, pour Global Cancer Observatory) et de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ne possède pas de document indiquant que le cancer était la première cause de mortalité dans le monde, a souligné sa présidente, Fatma Guenoune.

Globocan est une base de données et une plateforme interactive présentant des statistiques mondiales sur le cancer afin d'informer sur l’évolution des recherches contre cette maladie. Elle a été mise en place par le Centre international de recherche sur le cancer, une agence qui fonctionne sous la tutelle de l’OMS.

Contexte

Selon l’OMS, le cancer est un vaste groupe de maladies qui peuvent apparaître dans presque tous les organes ou tissus du corps.

En octobre 2020, l'agence onusienne a publié sa traditionnelle étude The Global Burden of Disease 2019 (Impact mondial des maladies 2019, en français) qui a examiné des données sanitaires sur la période 2000-2019. Ces statistiques donnent un aperçu global de la santé dans le monde et évaluent les tendances des maladies et des causes de mortalité.

L’épidémiologiste anglo-américaine Dr Elizabeth Pisani, auteure de plusieurs études sur la santé et par ailleurs journaliste, a indiqué à Africa Check que l’étude susmentionnée était la source de données la plus fiable et la plus robuste sur les causes de mortalité à travers le monde.

L’OMS détaille les principaux résultats de cette étude dans une fiche d’information. « Les 10 principales causes de décès ont représenté 55 % des 55,4 millions de décès dans le monde » en 2019, renseigne cette fiche.

Ces principales causes de décès, « par ordre du nombre total de vies perdues, sont associées à trois grands thèmes : les maladies cardiovasculaires (cardiopathies ischémiques, accidents vasculaires cérébraux), les maladies respiratoires (bronchopneumopathies chroniques obstructives, infections des voies respiratoires inférieures) et les maladies néonatales qui comprennent l'asphyxie et les traumatismes à la naissance, les septicémies et infections néonatales et les complications liées aux naissances prématurées », est-il encore indiqué dans ce document.

Selon la même source, les causes de décès peuvent également être regroupées en trois catégories : les causes transmissibles (maladies infectieuses et parasitaires et conditions maternelles, périnatales et nutritionnelles), les causes non transmissibles (chroniques) et les blessures.

Des survivants du cancer, des patients et des militants participent à une manifestation le 1er août 2019 à Nairobi, la capitale du Kenya, pour demander au gouvernement de déclarer le cancer catastrophe nationale et d'offrir des soins gratuits pour le cancer à l'échelle nationale. Des survivants du cancer, des patients et des militants participent à une manifestation le 1er août 2019 à Nairobi, la capitale du Kenya, pour demander au gouvernement de déclarer le cancer catastrophe nationale et d'offrir des soins gratuits pour le cancer à l'échelle nationale.Des survivants du cancer, des patients et des militants participent à une manifestation le 1er août 2019 à Nairobi, la capitale du Kenya, pour demander au gouvernement de déclarer le cancer catastrophe nationale et d'offrir des soins gratuits pour le cancer à l'échelle nationale.
Des survivants du cancer, des patients et des activistes participent à une manifestation le 1er août 2019 à Nairobi, au Kenya, pour demander au gouvernement de déclarer le cancer catastrophe nationale et d'offrir des soins gratuits contre ce groupe de maladies à l'échelle nationale. TONY KARUMBA / AFP

 

Les maladies cardiaques sont la première cause de mortalité dans le monde

Les données de l’étude The Global Burden of Disease 2019, reprises par le Forum économique mondial, indiquent que la principale cause de mortalité dans le monde en 2019 était les maladies cardiaques. Elles étaient responsables de 16 % du total des décès, tuant 8,9 millions de personnes en 2019.

Des développements confirmés par l’OMS dans un courriel à Africa Check : « Les maladies cardiaques sont la première cause de mortalité dans le monde ».

L'OMS a aussi précisé que « les cancers de la trachée, des bronches et des poumons représentent plutôt la sixième cause de décès dans le monde », avant de nous rediriger vers sa fiche d’information susmentionnée « contenant les plus récentes estimations sur les causes de décès à travers le monde ».

La Direction de la surveillance du cancer (Cancer Surveillance Branch, en anglais) est une branche du Centre international de recherche sur le cancer. Elle collecte, analyse, interprète et diffuse systématiquement des données et des statistiques sur le cancer dans le monde entier. L’OMS l’aide également dans la préparation de nombreuses statistiques sur le cancer. Elle nous a aussi recommandé de nous référer à plusieurs fiches d'information produites par l’OMS sur diverses maladies.

Dans la fiche d'information consacrée à ce groupe de maladies, il est indiqué que le cancer a été une des principales causes de décès dans le monde en 2020. Cependant, les maladies cardiaques restent le tueur numéro 1, comme le rapporte l'OMS dans un communiqué mis en ligne le 9 décembre 2020 sur les principales causes de décès et d'invalidité dans le monde de 2000 à 2019.

Le cancer reste une importante cause de mortalité à travers le monde

Les spécialistes que nous avons interrogés ont, à l'unanimité, affirmé que le cancer ne constituait pas la première cause de mortalité dans le monde.

Dr Djibril Ndaw est consultant en cancérologie médicale et en hématologie clinique. Il travaille principalement pour le Centre médical spécialisé Elysium (CMSE). Il est par ailleurs membre de l’American Society of Clinical Oncology (Société américaine d'oncologie clinique, en français), une organisation mondiale rassemblant des médecins qui soignent le cancer.

Selon Dr Ndaw, il est faux de dire que le cancer est la première cause de mortalité à travers le monde. La Ligue sénégalaise de lutte contre le cancer a abondé dans le même sens. Toutefois, l’épidémiologiste et journaliste Dr Elizabeth Pisani invite à noter que le cancer demeure une importante cause de mortalité à travers le monde.

Parmi les facteurs contribuant à la résistance du cancer Dr, Pisani a cité l'augmentation des substances cancérigènes et des facteurs de risques liés aux modes de vie : environnements urbains surpeuplés, modes de vie sédentaires et mauvaise alimentation.

Dr Djibril Ndaw a ajouté que la situation du cancer n’était pas la même dans les pays développés et les pays moins nantis économiquement concernant le nombre de morts que la maladie occasionnait et la façon dont elle était prise en charge.

Les pays développés, selon l'analyse de Dr Ndaw, ont tendance à maîtriser l’incidence des cancers en vertu d’une mise en place d’un système cohérent de dépistage, de diagnostic et de traitement efficace et très onéreux. Ce qui fait qu’il y a plus de malades survivants à leur cancer au point qu’une prise en charge médicale se met en place pour mieux les surveiller à cause des pathologies particulières post traitements.

Dans les pays moins nantis, en revanche, on note un accroissement de la population générale et une amélioration de l’espérance de vie. « Mais, malheureusement, on y imite le mode occidental de vie. En conséquence, surviennent les difficultés complexes du parcours du cancéreux, depuis le diagnostic jusqu’au traitement multidisciplinaire, dans un contexte d’insuffisance du plateau technique médical, du personnel médical en nombre et en spécialisation avérée. C’est ce qui explique la grande fréquence des échecs thérapeutiques », a commenté Dr Djibril Ndaw.

Des avancées dans la lutte contre le cancer à travers le monde

Beaucoup d'efforts sont faits en termes de recherche pour une meilleure caractérisation des tumeurs et une plus grande personnalisation des traitements, surtout en termes de traitements ciblés et d'immunothérapie, de l’avis d'un spécialiste, le professeur Mamadou Diop. Pr Diop est le chef du Service de cancérologie de l’hôpital Aristide Le Dantec à Dakar, au Sénégal.

Dr Djibril Ndaw de l’American Society of Clinical Oncology a mis l'accent sur les budgets énormes alloués à la recherche expérimentale thérapeutique parmi les bons points dans le combat. « Un autre élément dans cette amélioration de la lutte contre le cancer est l’identification (de ses) causes, donc leur prévention et leur dépistage pour permettre un traitement éradicateur », s'est réjoui Dr Ndaw.

Conclusion : le cancer n’est pas la première cause de mortalité dans le monde

Le quotidien sénégalais Le Soleil a indiqué dans un article publié le 6 février 2023 que le cancer était la première cause de mortalité à travers le monde.

D'après les données de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), précisément son étude The Global Burden of Disease 2019 qui mesure l'impact mondial des maladies de 2000 à 2019, les maladies cardiaques sont la première cause de mortalité dans le monde.

De même source, « les cancers de la trachée, des bronches et des poumons représentent plutôt la sixième cause de décès dans le monde ».

Les spécialistes que nous avons consultés ont confirmé les informations de l’OMS, relevant toutefois que le cancer restait une importante cause de mortalité et que des avancées étaient réalisées dans la lutte contre ce groupes de maladies.

En conséquence, l’affirmation selon laquelle le cancer est la première cause de mortalité dans le monde est incorrecte.

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