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Organisation mondiale de la Santé

FICHE D'INFO : quelques réponses sur le virus de Marburg

Les autorités sanitaires guinéennes suivent actuellement 172 cas contacts d'un homme décédé du virus de Marburg le 2 août 2021. C’est la première fois que ce virus touche l’Afrique l’Ouest. Voici ce qu'il faut savoir sur lui.

Cet article date de plus de 2 ans

Les autorités sanitaires guinéennes suivent actuellement 172 cas contacts d'un homme décédé du virus de Marburg le 2 août 2021Généralement identifié en Afrique centrale et de l'Est, c’est la première fois que le virus de Marburg touche l’Afrique l’Ouest, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Qu'est-ce que le virus de Marburg ?

Le virus de Marburg (MARV) est l’agent pathogène responsable de la maladie à virus Marburg ou fièvre hémorragique à virus Marburg. Avec son apparence filamenteuse au microscope, ce filovirus appartient à la famille des filoviridae. Cette dernière, de l’ordre des virus à ARN négatif non segmenté (NNS), comprend également l'Ebolavirus qui cause la maladie à virus Ebola.

Le virus Marburg doit son nom à la ville de Marburg en Allemagne où il a été découvert pour la première fois en 1967, à la suite de manipulations, dans un laboratoire, sur des singes verts africains importés d’Ouganda. Depuis son apparition, on dénombre plus d’une dizaine d'épisodes d'épidémies  certaines sporadiques   la plus meurtrière a été notée en 2005 en Angola avec plus de 200 morts.

La fièvre Marburg 

C’est une infection souvent grave pouvant provoquer une fièvre hémorragique chez l'Homme et les primates non humains. Elle présente un taux de létalité compris entre 23 et 90 %Jason Kindrachuk, professeur adjoint en pathogénie virale au département de microbiologie médicale de l' Université du Manitoba (Canada) explique à Africa Check que la plupart des informations sur la maladie de Marburg proviennent de la première épidémie de 1967 et de l'épidémie de 1998 - 2000 en République démocratique du Congo. « La période d'incubation varie de 2 à 21 jours (de l'infection à l'apparition des symptômes), avec une période moyenne de 5 à 9 jours », souligne Pr Kindrachuk.

Cette étude intitulée Événements intracellulaires et devenir des cellules dans l'infection par les filovirus, indique  que  « les premières cellules cibles des filovirus (donc du virus Marburg) sont les monocytes, les macrophages, et les cellules dendritiquesL'infection se propage au foie, à la rate et plus tard à d'autres organes par le biais du sang et de la lymphe ».

L’étude précise que « l'une des caractéristiques de l'infection par les filovirus est l'appauvrissement des lymphocytes non infectés; cependant, les mécanismes moléculaires conduisant à l'apoptose observée des lymphocytes secondaires sont mal compris. De même, les connaissances sur le devenir des cellules infectées dans les maladies à filovirus sont limitées ».

Quels sont les symptômes ?

Heinz Feldmann, directeur du laboratoire de virologie de l’Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses indique à Africa Check qu’étant donné que le virus de Marbourg appartient à la même famille que le virus Ebola, « les symptômes de la maladie à virus de Marbourg et de la maladie à virus Ebola sont très similaires ». Il précise que les premières manifestations cliniques de la maladie à virus Marburg « sont également semblables à celles d'autres maladies infectieuses subtropicales et tropicales, le principal diagnostic différentiel étant le paludisme ».

Selon les explications détaillées de Jason Kindrachuk, le développement des symptômes de la maladie à virus Marburg se présentent en trois phases. Il y a d’abord la phase initiale, qui en général dure environ 5 jours. Pendant cette phase, les symptômes cliniques ressemblent à ceux d'un syndrome grippal avec une forte fièvre, des maux de tête, des frissons et un malaise général. « Les symptômes progressent rapidement vers la fin de cette première phase et comprennent des douleurs généralisées, des vomissements, des nausées, des éruptions cutanées et une diarrhée aqueuse, pour n'en citer que quelques-uns. », relève-t-il.

Ensuite vient la phase organique précoce, survenant généralement entre 5 et 13 jours après l'apparition des symptômes et qui constitue le début de la phase de maladie grave. Le virologue révèle que « cette phase peut inclure des hémorragies viscérales et muqueuses, une fièvre soutenue, des œdèmes, des ecchymoses, une irritabilité, une dépression, une diarrhée sanglante et des fuites aux points de ponction veineuse ».

Au début de la dernière phase, dite organique tardive (13-20 et plus  jours après l'apparition des symptômes), l’infection entre dans la phase critique et comprend des anomalies de la coagulation, une défaillance de plusieurs organes, des convulsions et un choc. « Les infections mortelles surviennent généralement 8 à 16 jours après l'apparition des symptômes. Les survivants ne présentent généralement pas les symptômes les plus graves de la maladie, mais ils peuvent souffrir de complications à long terme, notamment de myalgies, d'arthralgies, d'hépatites et de maladies oculaires », renseigne Kindrachuk.

Comment se transmet la maladie ?

L’infection au virus de Marburg est une zoonose dont la déclaration est obligatoire. Selon le Centre américain pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC, en anglais), elle est transmise par la chauve-souris frugivore africaine, appelée roussette d'Égypte (Rousettus aegyptiacus). Identifiée comme le réservoir du virus Marbourg, la roussette d’Egypte ne présente aucun signe évident de maladie lorsqu'elle est infectée. D’après Heinz Feldmann« l'infection initiale (cas primaire) se produit généralement par contact avec une chauve-souris infectée ou ses sécrétions. Une épidémie est généralement due à une transmission interhumaine par contact étroit, comme dans le cas du virus Ebola ».

Le CDC indique qu'après le passage initial du virus de l'animal hôte à l'homme, la transmission se fait par contact de personne à personne. « Cela peut se produire de plusieurs façons : contact direct avec des gouttelettes de fluides corporels provenant de personnes infectées, ou contact avec des équipements et autres objets contaminés par du sang ou des tissus infectieux ».

Le CDC renseigne qu’il n’est pas connu à ce jour « comment le virus de Marburg s’est transmis pour la première fois de son hôte animal à l'homme ; cependant, pour les deux cas de touristes ayant visité l'Ouganda en 2008, le contact non protégé avec des excréments ou des aérosols de chauve-souris infectés est la voie d'infection la plus probable.

Thomas M. Yuill, professeur émérite au département des sciences pathobiologiques et au département d'écologie de la forêt et de la faune sauvage de l'université du Wisconsin-Madison a confié à Africa Check que « la détection du virus de Marburg en Afrique de l'Ouest : des chauves-souris en Sierra Leone et le premier cas humain en Guinée, est une indication que nous avons encore beaucoup à apprendre sur le virus et son épidémiologie ».

Comment se fait le diagnostic ?

Selon l'OMS, il est difficile, à partir des symptômes, de faire la différence entre la fièvre Marburg et d’autres pathologies comme le paludisme ou encore la fièvre typhoïde ou tout autre fièvre hémorragique. Heinz Feldmann corrobore cette information en ajoutant que la suspicion clinique de maladie à virus Marburg doit être confirmée par un diagnostic de laboratoire.  « Aujourd'hui, cela se fait par des techniques de détection moléculaire appelées PCR. Tous les systèmes de santé publique ne sont pas en mesure d'effectuer ces tests et il est nécessaire de coordonner les tests avec l'un des centres de référence africains ou mondiaux. Le diagnostic est simplifié pendant une épidémie connue en cours ».

Jason Kindrachuk ajoute que « pour confirmer que les symptômes sont provoquées par le virus Marburg, il faut utiliser l’une des méthodes suivantes  : le titrage immunoenzymatique (ELISA), le test d'immunocapture des antigènes, le test de séroneutralisation, le test PCR avec transcriptase inverse (RT-PCR), la microscopie électronique ou l'isolement du virus sur culture cellulaire ».

Comment traiter la maladie à virus Marburg ?

A l'heure actuelle, il n’existe aucun traitement spécifique pour soigner la maladie à virus Marburg de même qu’aucun vaccin n’est disponible pour la prévention. « Le traitement repose donc principalement sur des stratégies de soins de soutien comme la réhydratation par voie orale ou intraveineuse », précise Jason Kindrachuk. Il ajoute qu’il existe actuellement, « plusieurs candidats vaccins et produits thérapeutiques dont l'activité contre le virus de Marbourg est testée et qui passent de la phase de développement aux essais cliniques. MVA-BN Filo de Bavarian Nordic, est l’un d’entre eux. C'est un vaccin filovirus trivalent recombinant à base de MVA, dirigé contre les infections à Marburgvirus et Ebolavirus ».

L’OMS souligne qu’« il est possible que ce vaccin puisse apporter une protection contre la maladie à virus Marburg, mais son efficacité théorique n’a pas été démontrée dans le cadre d’essais cliniques ».

En 2014, un traitement génique a permis de guérir des singes malades infectés par le virus Marburg. Le CDC et Heinz Feldmann précisent que ni les vaccins ni les options de traitement n'ont été testés chez l'homme jusqu'à présent.

Comment prévenir la maladie ?

Le CDC souligne que « les mesures préventives contre l'infection par le virus de Marburg ne sont pas bien définies, car la transmission de la faune sauvage à l'homme reste un domaine de recherche en cours ». Toutefois, le Centre recommande d’« éviter les chauves-souris frugivores, ainsi que les primates non humains malades en Afrique centrale ».

Heinz Feldmann ajoute que « la meilleure défense est l'isolement immédiat et strict des cas suspects, suivi d'une confirmation rapide en laboratoire de la suspicion clinique. Une fois qu'un cas est identifié, il faut rechercher les contacts et assurer un suivi. L'éducation et l'avertissement de la communauté sont également importants ».

Quelles sont les mutations du virus ?

Tel que nous l’observons avec la Covid-19, le virus Marburg peut faire l’objet de mutation selon la zone où il apparaît.  « Comme tous les virus à ARN, le Marburg a tendance à muter. Les mutations majeures vont entraîner l’apparition de variants », nous explique Makhtar Camara, professeur en microbiologie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

On compte plus de neuf variants provenant de la souche d’origine isolée en 1967 (Ci67) : Marburg virus Angola, qui a remplacé le variant Marburg Musoke isolé au Kenyan; variants Popp, Harts, Hilberger, Kliebe, Lüdicke, Ratayezak et Voege isolés en certains pays européens et africains. Le variant angolais est plus virulent, plus pathogène et serait responsable d’un taux de létalité très élevé, souligne Makhtar Camara

Cette étude sur les filovirus indique que « dans le cas des virus de Marbourg, la majorité des expériences menées jusqu'au milieu des années 1980 ont été réalisées avec la variante sans nom du MARV qui a provoqué les épidémies de 1967 en Allemagne de l'Ouest et en Yougoslavie. Les chercheurs occidentaux sont ensuite passés au variant Musoke, tandis que les scientifiques soviétiques/russes ont continué à travailler exclusivement avec les virus dérivés de Popp et Voege ».

Heinz Feldmann décrit que les différentes épidémies sont généralement causées par une nouvelle variante provenant des chauves-souris. Il indique qu'une épidémie est généralement déclenchée par une seule introduction et le virus ne change pas beaucoup lorsqu'il passe d'un humain à l'autre, à moins qu'il ne passe par plusieurs chaînes de transmission. « Dans le cas du virus de Marburg, nous avons observé de multiples introductions à partir du réservoir animal pendant une épidémie en cours, ce qui pourrait entraîner une plus grande variation », note Feldmann.

Jason Kindrachuk, professeur adjoint en pathogénie virale au département de microbiologie médicale de l' Université du Manitoba, relève que le séquençage génomique d'un autre filovirus   le virus Ebola   a été utilisé pour caractériser les voies de transmission au sein des populations, comme lors de l'épidémie en Afrique de l'Ouest, de même que le lien entre les nouvelles épidémies et les infections persistantes à long terme chez les survivants. « Ainsi, nous pouvons suivre la manière dont les virus, y compris le virus de Marburg, changent et se déplacent au sein des populations et d'individu à individu, afin de mieux comprendre les comportements du virus au cours d'une épidémie ».

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