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Sénégal : non, cette vidéo ne montre pas une foule allant faire sortir de prison l’opposant Ousmane Sonko

EN BREF - Il s'agit d'une vidéo d’un rassemblement qui a eu lieu le 14 mars 2023 aux Parcelles Assainies, à Dakar. Ledit rassemblement a été organisé par le parti Pastef et la coalition Yewwi Askan Wi. Selon la presse locale, ce rassemblement a donné lieu à un « giga-meeting », deux jours avant une audience du procès d’Ousmane Sonko (le leader du Pastef) pour diffamation contre le ministre sénégalais du Tourisme Mame Mbaye Niang, un responsable du parti présidentiel.

Ousmane Sonko, chef d’un parti de l’opposition politique au Sénégal, a été condamné le 30 mars 2023 à deux mois de prison avec sursis dans le cadre d’un procès pour diffamation sur plainte de Mame Mbaye Niang, actuel ministre sénégalais du Tourisme et des Loisirs.

Sonko, un ancien inspecteur des impôts, est le président du parti politique Pastef (Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité ou Les Patriotes) et le maire de la ville de Ziguinchor, chef-lieu de la région du même nom dans le sud du Sénégal. Sa formation politique est membre d’une coalition de l’opposition appelée « Yewwi Askan Wi ». Cette expression en wolof, l’une des langues les plus parlées au Sénégal, signifie : « Libérez le peuple ».

Avant l’audience du 30 mars 2023 et par crainte de troubles en lien des manifestations annoncées par des partisans de Sonko, plusieurs structures avaient annoncé une baisse ou une suspension de leurs activités pour un ou plusieurs jours : les élèves et étudiants ont été envoyés en congés de fin de semestre en avance sur le calendrier scolaire et universitaire, des boutiques et banques ont fermé, la société nationale de transport public Dakar Dem Dikk a suspendu ses activités et les autorités ont interdit la circulations des motos à Dakar, entre autres mesures.

C’est dans ce contexte que le 30 mars 2023, le compte Facebook Viviane Dacoury a partagé une vidéo de 27 secondes, filmée d’en haut et montrant une marée humaine s’étendant, d’après l’angle de la prise de vues, au moins sur deux rues et une esplanade. « Prési ! Prési ! », pouvons-nous entendre dans la foule, dans laquelle certains brandissent des drapeaux du Sénégal. Dans la vidéo, nous pouvons voir Ousmane Sonko, saluant ses partisans, se tenant debout dans une voiture découverte, alors que son cortège a du mal à se frayer un chemin. Hors caméra, une voix féminine lance en wolof : « Wouuuuh ! Mësta am ! Prési ! Prési ! », que l’on peut traduire en français par : « Wouuuuh ! C’est du jamais vu ! Prési ! Prési ! ».« Bravo les sénégalais. Ils sont allés eux-mêmes sortir l’opposant politique Monsieur Ousmane Sonko de la prison. Le pouvoir du peuple (sic) », décrit la légende de la publication.

La séquence a été largement partagée sur la plateforme par d’autres utilisateurs (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20).

En réalité, cette vidéo n’a rien à voir avec l’histoire décrite dans cette publication.

Capture d'écran de la publication

Condamnation à la prison avec sursis

Le procès pour diffamation visant Ousmane Sonko s’était ouvert le 2 février 2023 et avait été renvoyé trois fois. L’audience du 30 mars 2023 s’est déroulée en l’absence de Sonko et de ses avocats, a rapporté l’Agence de presse sénégalaise (APS) dans une dépêche diffusée le même jour. Selon l’APS, les avocats de la défense ont quitté la salle après que le juge leur a refusé une nouvelle suspension d’audience.

Le tribunal a condamné Ousmane Sonko à deux mois de prison avec sursis et à verser 200 millions de francs CFA (près de 305 000 euros / plus de 330 000 dollars américains).

« La condamnation avec sursis désigne une condamnation pénale qui n’est pas effectuée » par la personne condamnée, sauf si elle « fait l’objet d’une nouvelle condamnation pour une autre infraction » dans un délai précisé par les textes en vigueur dans le pays. « Lorsqu’une personne fait l’objet d’une condamnation avec sursis, (elle) n’est donc pas incarcérée », précise l’association française.

Au Sénégal, ce délai est de cinq ans, selon la loi. Après condamnation avec sursis d’un individu, « si, pendant le délai de cinq ans à dater du jugement ou de l'arrêt, le condamné n'a encouru aucune poursuite suivie de condamnation à l'emprisonnement ou à une peine plus grave pour crime ou délit de droit commun, la condamnation sera comme non avenue. Dans le cas contraire, la première peine sera d'abord exécutée sans qu'elle puisse se confondre avec la seconde », stipule le Code de procédure pénale du Sénégal (titre IV, article 705).

En clair, la condamnation avec sursis signifie que l’exécution de la peine est suspendue, et la personne condamnée ne doit pas écoper d’une peine de prison ou d’une peine plus grave pour un crime ou délit dans un délai de cinq ans à partir de sa condamnation avec sursis. Si cela se produisait, elle risquerait de purger sa première peine, en plus de la nouvelle.

Ousmane Sonko n’avait pas été mis en détention préventive avant son procès, il n’était pas présent au tribunal à l’audience du 30 mars 2023 et, ayant été condamné avec sursis, il n’a pas été conduit en prison et n’a donc pas pu en être « sorti » par la foule, contrairement à ce que laisse croire la publication du 30 mars 2023 de Viviane Dacoury sur Facebook.

Note de la rédaction : Ousmane Sonko doit de nouveau faire face à la justice dans le cadre de la même affaire. Le ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang et le procureur de la République (parquet) ont fait appel du jugement rendu le 30 mars 2023. Un procès en appel s’est ouvert le 17 avril 2023, il a été renvoyé au 8 mai 2023. Cet article sera mis à jour à l’issue du processus.

Vidéo d’un rassemblement le 14 mars 2023 aux Parcelles Assainies, à Dakar

Nous avons effectué de nombreuses captures d’écrans de la vidéo postée par Viviane Dacoury afin de vérifier dans quel contexte elle a été filmée.

La recherche d’images inversées à partir de ces captures avec le logiciel Small Seo Tools nous a permis de remonter à une publication d’un internaute sénégalais sur Facebook datée du 14 mars 2023, qui montre une vidéo similaire à celle que nous vérifions, avec le même angle de vue. Cette publication mentionne les Parcelles Assainies, un quartier de Dakar où le parti Pastef et la coalition Yewwi Askan Wi ont organisé un rassemblement le 14 mars 2023. Rassemblement qui, selon plusieurs sites et médias sénégalais dont Le Quotidien, a tourné en « giga-meeting » deux jours avant une précédente audience du procès d’Ousmane Sonko.

Nous pouvons voir, sur les deux vidéos, Sonko au milieu d’une foule, coiffé d’un chapeau vert et vêtu d’un haut beige.

Capture 02 Meta check relu CS Senegal-politique-manifestation-Sonko

Avec les captures issues des deux vidéos, nous avons effectué une recherche via Google Earth, un logiciel de géocartographie créé par Google.

Capture d'écran de la publication
Vidéo similaire à gauche, vidéo à vérifier à droite

Les résultats permettent d’avoir une vue satellitaire de la zone où cette manifestation a été organisée.

Capture 04 Meta check relu CS Senegal-politique-manifestation-Sonko

En outre, nous retrouvons également le tweet d’un internaute reprenant la même vidéo que nous vérifions, avec une partie de la description rapportée par Viviane Dacoury sur Facebook. Sous ce tweet ou en réaction à cette publication, nous pouvons voir d’autres internautes répondre que la vidéo n’a aucun lien avec une supposée sortie de « prison » de Sonko.

Capture d'écran de la publication
Captures d'écran de différentes réactions d'internautes

En poursuivant nos recherches, nous retrouvons d’autres publications sur la manifestation du 14 mars 2023 aux Parcelles Assainies à Dakar.

C’est le cas du reportage de la chaîne Africanews sur le sujet publié le 15 mars 2023 sur sa chaîne YouTube. Nous pouvons y voir qu’Ousmane Sonko arbore toujours les mêmes coiffure et vêtements que sur la vidéo que nous vérifions.

Capture 08 Meta check relu CS Senegal-politique-manifestation-Sonko

Nous n'avons pas pu trouver la vidéo originale publiée par ces utilisateurs.

Toutefois, les résultats de nos recherches nous permettent d’affirmer qu’elle est antérieure à la condamnation avec sursis d’Ousmane Sonko.

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