Retour sur Africa Check
Montage / Africa Check

Ces photos n’ont pas été prises après une attaque armée en novembre 2023 à Egbekaw, au Cameroun

EN BREF – Ces photos ont été sorties de leur contexte, elles ont toutes été prises avant 2023.

Sur Facebook, la page Global 24+ a posté le 6 novembre 2023 un texte avec une série de photos sur une attaque meurtrière perpétrée dans le village d’Egbekaw, dans la région du Sud-Ouest, au Cameroun, un assaut attribué par les autorités à des séparatistes anglophones.

Contexte

Le Cameroun est confronté depuis 2017 à un conflit armé appelé par certains médias et organisations « une crise anglophone », car se déroulant dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest.

Le Nord-Ouest, ayant pour chef-lieu de région Bamenda, et le Sud-Ouest, ayant pour chef-lieu de région Buéa, sont les régions anglophones du Cameroun, pays d’Afrique centrale ayant deux langues officielles, le français et l’anglais.

Le conflit oppose le gouvernement camerounais et des séparatistes. Il est marqué depuis 2017 par des attaques sanglantes.

« La crise anglophone résulte de la répression des manifestations largement pacifiques qui ont eu lieu en 2016 et 2017 et qui demandaient la fin de la marginalisation de la minorité anglophone. Elle s’est intensifiée au point d’atteindre le stade de violence armée dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, la population se retrouvant alors prise en étau dans les affrontements entre les différentes parties », a résumé l’organisation de défense des droits humains Amnesty International dans un communiqué diffusé le 4 juillet 2023, à l’occasion de la sortie d’un rapport sur les atrocités dans la région du Nord-Ouest.

« Le conflit couvait depuis des décennies, les anglophones du Cameroun se plaignant d'être marginalisés et éloignés des sphères de décision par l'administration majoritairement francophone de Yaoundé », dans la capitale, a indiqué BBC Afrique, site du service Afrique du diffuseur publique britannique BBC, dans un article explicatif mis en ligne le 4 décembre 2020. Cette « fracture linguistique remonte » à la période de la colonisation, a-t-il ajouté.

Dans la nuit du dimanche 5 au lundi 6 novembre 2023, des hommes armés ont attaqué le village d’Egbekaw, dans la région du Sud-Ouest.

Egbekaw est proche de la ville de Mamfe, dans le département de la Manyu.

Les assaillants ont « tiré au hasard et incendié plusieurs maisons, faisant des morts et des blessés. Les autorités nationales ont signalé 25 morts, dont un enfant, et au moins neuf blessés », selon un bilan de cette attaque rapporté le 22 novembre 2023 par Ocha, le Bureau de la coordination des Affaires humanitaires de l’ONU (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs).

Le journal gouvernemental camerounais Cameroon Tribune a fait état de 26 personnes tuée, et « douze maisons réduites en cendres » dans un article publié le 18 décembre 2023 (en anglais) et consacré aux funérailles d’une partie des victimes de l’attentat perpétré le 6 novembre 2023 à Egbekaw. Selon ce journal, une cérémonie publique d’obsèques a été organisée le 14 décembre 2023 à Mamfe où ont été inhumées douze des personnes tuées, les quatorze autres ayant été enterrées le jour de l’attaque.

Ce que la dit publication du 6 novembre 2023 de Global 24+

« #Cameroun 🇨🇲 : Au moins 20 morts dans une attaque de séparatistes anglophones à Egbekaw », peut-on lire dans le texte posté le 6 novembre 2023 par Global 24+. « C'est dans le sud-ouest du Cameroun 🇨🇲 que les séparatistes anglophones ont attaqués le Village de Egbekaw, dans la nuit du dimanche au lundi, et cette dernière qui a fait au moins 20 morts dont les femmes et les enfants. Mais également sept personnes ont été grièvement blessées et une dizaine de maisons brûlées selon les médias d'État. L'attaque et le bilan provisoire ont été confirmés par un responsable des forces de l'ordre ainsi qu'un responsable d'un organisme gouvernemental. Depuis fin 2016, un conflit meurtrier oppose des groupes armés indépendantistes et les forces de sécurité, accusé chacun de crimes contre les civils par les ONG internationales et l'ONU 🇺🇳, dans les régions du Nord-ouest et du Sud-Ouest peuplés principalement par la minorité anglophone de ce pays d'Afrique 🌍 centrale majoritairement francophone. 🇨🇲 #Global_info+ .»

Ce texte est accompagné de trois photos.

La première photo montre plusieurs militaires en armes debout à l’extérieur d’une habitation avec une clôture de fortune. Devant eux, on aperçoit deux couvertures recouvrant des formes inanimées, peut-être des corps.

La deuxième photo donne à voir des véhicules abandonnés et ce qui semble être des étals d’un marché vide, sous un ciel nuageux.

Sur la troisième et dernière photo, plusieurs personnes sont visibles derrière un ruban jaune affichant : « CRIME SCENE DO NOT CROSS (Scène de crime, ne pas franchir) », indiquant une restriction d’accès à la zone. Dans le décor, on peut également apercevoir une voiture, un banc et, en arrière-plan, des maisons basses et un immeuble en construction.

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À propos de Global24+

« Global 24+ est une chaîne d'information internationale qui émet en français 24h sur 24 », est-il écrit dans la présentation (« Intro ») de la page, qui s’est enregistrée à la fois comme « site web d’actualités », « blog personnel » et « musique/groupe ».

Selon les indications dans sa partie Transparence, elle a été créée le 7 août 2023 sous le nom Global info+, puis renommée le 13 décembre 2023 Global 24+.

Elle est liée à un numéro de téléphone de la République démocratique du Congo, une adresse électronique de la messagerie gratuite Gmail ainsi qu’à une chaîne YouTube créée le 22 décembre 2023, qui ne contenait pas encore de vidéo au moment où nous l’avons vérifiée.

Aucune indication n’a été fournie sur le lieu ou les lieux d’où elle est gérée.

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Des images hors contexte, toutes antérieures à 2023

En effectuant une recherche inversée d’images à partir du logiciel TinEye, nous avons pu voir que toutes ces images ont été prises bien avant 2023, et n’avaient pas de lien avec l’attaque armée perpétrée le 6 novembre 2023 à Egbekaw.

Première photo : des soldats à Kolofata, dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, en septembre 2015

Nous avons retrouvé la première photo utilisée dans la publication du 6 novembre 2023 de Global24+ dans la banque d’images en ligne Getty Images sous le numéro 488169956. Selon la légende (en anglais), elle a été prise le 13 septembre 2015 à Kolofata, dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, par un collaborateur non identifié de l’Agence France-Presse (AFP). Elle montre des membres des forces de sécurité camerounaises regardant « une victime d'un double attentat-suicide gisant au sol dans le village de Kolofata », près de la frontière avec le Nigeria. Cette double attaque-suicide, commise le même jour, avait fait neuf morts et vingt blessés, d’après le bilan communiqué à l’époque.

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Deuxième photo : un marché abandonné à Buéa, dans la région du Sud-Ouest, en octobre 2018

Cette photo figure également dans les archives de Getty Images sous le numéro 1045090624.

D’après la légende (en anglais), elle a été prise par Marco Longari, photographe à l’AFP, le 3 octobre 2018 à Buéa. Elle montre « l’épave d'une voiture incendiée » dans une attaque attribuée à des séparatistes anglophones, près d’un marché abandonné.

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Troisième photo : sur une « scène de crime », image datant de septembre 2017 au moins, à Bamenda ou dans ses environs

Nous n’avons pas pu retrouver l’origine et l’auteur de cette dernière photo, utilisée à titre d’illustration dans plusieurs articles en ligne, d’après les résultats de la recherche avec les outils de vérification TinEye et Google Images notamment.

L’occurrence la plus ancienne apparue dans la recherche est un article publié le 21 septembre 2017, un jeudi, par BBC Afrique, incluant du texte, des images et un extrait sonore.

Le texte parle de policiers « grièvement blessés dans une explosion survenue dans un poste de police mercredi matin à Bamenda », soit le 20 septembre 2017, veille de publication de l’article, qui cite le gouverneur de Bamenda.

Dans la légende de la photo du groupe de personnes sur une scène de crime qui l’illustre, on peut lire : « Cette région anglophone a déjà été la cible de deux explosions depuis le 11 septembre dernier (2017, NDLR) », sans plus de détails. Cette indication laisse cependant préciser qu’elle a été prise à Bamenda ou dans ses environs et date d’au moins septembre 2017.

Les diverses publications apparues dans les résultats de nos recherches ne nous ont pas permis à ce stade d’avoir davantage de précisions, notamment l’auteur de la photo.

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Article édité par Coumba Sylla.

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