Retour sur Africa Check

Ces images ne montrent pas Bossangoa, en Centrafrique, après un bombardement

EN BREF - Les cinq photos partagées à travers la publication examinée sont sans lien avec des frappes aériennes en novembre 2022 contre Bossangoa.

Dans un communiqué daté du 28 novembre 2022, cité par des médias dont le quotidien français Le Monde et le magazine panafricain Jeune Afrique, mais également partagé sur Facebook et sur Twitter (*), le gouvernement de la Centrafrique a annoncé qu’un avion étranger avait nuitamment bombardé Bossangoa, dans le nord-est du pays.

Selon ce texte, « un aéronef a survolé la ville de Bossangoa dans la nuit du 27 au 28 novembre 2022, précisément le 28 novembre à 2h50 (heure locale, NDLR), et a largué des explosifs dans la ville prenant pour cibles la base de nos forces de défense et de sécurité (FDS), celle de nos Alliées ainsi que l’usine de coton. Ces explosifs ont occasionné d’importants dégâts matériels ».

(*) Africa Check n’a pas vu le communiqué original sur le site officiel du gouvernement centrafricain et sur ses comptes officiels de réseaux sociaux mentionnés : Twitter (où le dernier tweet publié date du 1er mai 2019), YouTube (où la dernière vidéo mise en ligne date du 31 janvier 2022), Flickr (où la dernière photo mise en ligne date du 21 septembre 2018) et Facebook, cette plateforme étant la plus à jour.

Cependant, la recherche en ligne affiche de nombreuses occurrences de la capture d’écran de ce texte, numéroté « 015/22/MCM/Dircap/SP » et signé par Dr Serge Ghislain Djorie, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement centrafricain. Par ailleurs, le ministre Djorie s’est exprimé sur ce raid aérien, qu’il a qualifié d’« acte barbare (…) perpétré par des terroristes internationaux » courant décembre 2022 devant la presse. Un extrait de sa déclaration a été mis en ligne le 6 décembre 2022 sur le portail du gouvernement, et le 5 décembre 2022 sur la chaîne YouTube du ministre centrafricain de la Communication.

Le 29 novembre 2022, la page Facebook Timenowmagazine-TNM publie un texte sur ces frappes aériennes accompagné de cinq photos.

« UN Avion étranger bombardement la base militaire centrafricaine. La Centrafrique promet de riposter après le bombardement. Le gouvernement centrafricain affirme qu'un avion, venu et reparti dans un pays voisin, a bombardé une base de son armée et de forces alliées à Bossangoa, dans le nord-ouest du pays. Bangui promet que cet acte ne restera pas « impuni » », peut-on lire dans cette publication (texte reproduit tel qu’écrit, NDLR), sans autres indications.

Capture d'écran de la publication

Photos sans lien avec des frappes aériennes en novembre 2022 contre Bossangoa

La recherche inversée d’image à partir du logiciel TinEye nous indique que ces photos n’ont aucun lien avec les frappes contre Bossangoa rapportées par les autorités centrafricaines.

Première photo : image de 2020, entre Boali et Bangui

La première image, en plan taille, montre plusieurs militaires armés en marche, dont un arbore un turban. Elle a été utilisée comme image d’illustration par le site Internet de Radio France International (RFI) pour un article publié le 11 mars 2022. Selon la légende précisée par RFI, il s’agit de soldats centrafricains « sur la route entre Boali et Bangui, le 10 janvier 2020 », une photo signée Florent Vergnes pour l’Agence France-Presse (AFP), une des grandes agences mondiales généralistes.

Bossangoa est à quelque 300 km au nord de Bangui, la capitale centrafricaine. Boali est plus proche de Bangui, à moins de 100 km au nord-ouest.

Capture d'écran dun article publié par le site Internet de RFI.

L’article de Jeune Afrique sur le bombardement évoqué plus haut également la même photo à titre d’illustration, avec les mêmes informations à l’exception de la date.

Deuxième photo : image de mars 2014

Sur la deuxième image publiée par la page Facebook Timenowmagazine-TNM concernant les frappes aériennes de fin novembre 2022 à Bossangoa, on voit un drapeau centrafricain au bout d’un fusil parmi plusieurs armes.

Les résultats de la recherche montrent qu’elle date de mars 2014. Elle est signée du photographe Kambou Sia pour l’agence de presse internationale Reuters durant l’opération militaire française Sangaris en Centrafrique (décembre 2013-octobre 2016) sous l’égide de l’ONU. Le pays était alors proie à des violences intercommunautaires et interreligieuses impliquant divers groupes armés, dont la Séléka (rebelles) et les anti-Balaka (miliciens).

Cette photo figure dans la base de données la plateforme de partage de contenus Alamy (image numéro 2CXXW6X), qui précise qu’elle a été prise le 1er mars 2014 et montre des armes saisies sur des membres de la Séléka et des anti-Balaka.

Capture d'écran d'une photo sur le site d'Alamy.

Elle est visible aussi avec le même crédit d’auteur dans d’autres publications bien antérieures à 2022, dont un article mis en ligne le 3 mars 2014 par le journal turc Türkiye et un article mis en ligne le 12 avril 2014 par Vox, un site du groupe de presse américain Vox Media, mis en ligne le 12 avril 2014.

Troisième photo : image de l’Ukraine

La troisième photo accompagnant le message de la page Facebook Timenowmagazine-TNM montre, en plan large, des personnes à la peau blanche, chaudement vêtues, en train de regarder des bâtiments en ruine, avec des impacts de munitions sur des pans de mur, sous un ciel gris.

Les premiers résultats de la recherche pointent vers l’Ukraine, avec des « correspondances visuelles » ou similitudes de paysages. On retrouve l’image dans un article mis en ligne le 30 novembre 2022 sur France Live, un site français, traitant de la guerre en Ukraine. Aucun détail n’est fourni sur la photo mais l’article mentionne comme origine un texte publié le 29 novembre 2022, un direct consacré par un autre site français, 20 minutes, à la guerre en Ukraine.

Une recherche poussée conduit à la même photo avec comme référence le numéro (ID) 0195302441 sur le site Imago, qui se présente comme une « agence photo indépendante allemande ». Selon Imago, l’auteur de la photo est Nikolaï Trishin pour l’agence russe Tass (version anglaise du site ici). L’image a été prise le 27 novembre 2022 dans la ville de Makeyevka (autres orthographes : Makiïvka, Makeïevka), dans le Donetsk, dans l’est de l’Ukraine, une des régions de ce pays que la Russie a annexées fin septembre 2022. Elle montre, d’après la légende, « des bâtiments endommagés (…) après un bombardement des forces armées ukrainiennes » ayant fait « des victimes » (en anglais : "Damaged buildings are pictured in the city of Makeyevka after a shelling attack by the Armed Forces of Ukraine. Casualties were reported after the shelling").

Capture d'écran d'une photo sur le site Internet d'Imago.

Quatrième photo: image du Mali de 2013

Sur la quatrième image publiée sur Facebook par Timenowmagazine-TNM comme étant une scène à Bossangoa, apparaissent plusieurs militaires en armes devant ce qui ressemble à une carcasse de véhicule sur une route dans un paysage de savane. Elle remonte à 2013 et figure dans un article mis en ligne le 28 avril 2013 par le site du groupe France Télévisions. La légende crédite comme auteur l’agence française de photojournalisme Sipa, sans mentionner de nom. « Des soldats maliens observent la scène après une attaque suicide menée par un jihadiste près de l'aéroport de Tombouctou, au Mali, le 21 avril 2013 ».

Capture d'écran d'une photo publiée sur le site Internet de France Télévisions.

 

Cinquième photo : image du Niger de 2016

La cinquième image de la publication de Timenowmagazine-TNM sur Facebook mentionne clairement l’auteur de la photo, sur le bord droit du cadre, en bas : « © Issouf Sanogo/AFP/Getty Images ». On retrouve la même photo à titre d’illustration dans un article mis en ligne le 21 mars 2021 par le site en français de la radio allemande Deutsche Welle (« La voix de l’Allemagne ») : « Des soldats nigériens à la traque de Boko Haram en 2016 », est-il marqué dans la légende.

Boko Haram est un groupe jihadiste né en 2002 au Nigeria puis ayant essaimé dans les pays limitrophes de ce vaste État anglophone d’Afrique de l’Ouest, notamment le Niger, le Tchad et le Cameroun. Il a revendiqué plusieurs des attaques meurtrières enregistrées au Niger depuis 2015. La région de Diffa (sud-est), où est située la ville de Bosso, fait partie des zones qui ont payé un lourd tribut à ces attentats.

On retrouve cette cinquième image sur la plateforme Getty Images, qui en précise la date et le contexte dans la légende : il s’agit d’un convoi militaire « dans la ville de Bosso, le 17 juin 2016, à la suite d’attaques des combattants de Boko Haram dans la région » (en anglais : "A military convoy drives in the city of Bosso on June 17, 2016 following attacks by Boko Haram fighters in the region.").

Capture d'écran d'une photo publiée sur le site de Getty Images.

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