EN BREF - Il ne s’agit pas d’une scène montrant des stigmates de cette attaque dans la région de Ménaka attribuée par l’armée malienne à groupe djihadiste. La photo a été faite après un attentat suicide perpétré le 21 mars 2013 à Tombouctou.
Dans un message assorti d’une photo partagé le 4 août 2023 sur Facebook, un internaute identifié comme Ikta Mohamed — un homme, selon ses renseignements biographiques — a parlé de plusieurs militaires maliens tués le 3 août 2023 dans une embuscade de djihadistes contre leur convoi entre Ménaka et Anderamboukane (ou Anderamboucane), dans le nord-est du Mali, près de la frontière avec le Niger.
Sur l’embuscade meurtrière
Cette information a été rapportée dans une dépêche de l’Agence France-Presse (AFP), reprise ou relayée par plusieurs médias, dont Africanews dans un article mis en ligne le 4 août 2023.
Le 3 août 2023, « l'embuscade tendue par des djihadistes du groupe État islamique a visé un convoi de l'armée qui escortait des camions en direction du Niger, pays voisin en proie à la propagation djihadiste et plongé dans une crise majeure depuis un coup d'État militaire », peut-on lire dans la dépêche, se fondant sur « des sources militaire et policière ». Un responsable de Forces armées maliennes (Fama ou FAMa), cité dans la même dépêche, a fait état de six militaires tués, précisant qu’il s’agit d’un « premier bilan ».
L’État islamique (EI) — ou plutôt sa branche au Sahel, dite État islamique au Grand Sahel (EIGS) — est un des groupes djihadistes armés actifs au Mali et d’autres pays de la région. Parmi ces pays, figure le Niger, où des militaires se sont installés au pouvoir après avoir renversé le président Mohamed Bazoum. Ce coup d’État militaire — après des putschs ces dernières années au Mali, au Burkina Faso et en Guinée — a plongé dans une nouvelle crise la région, déjà en proie à l’insécurité avec divers groupes armés qui l’écument, et à des difficultés économiques.
L’EI a revendiqué l’attaque du 3 août 2023 entre Ménaka et Anderamboukane, selon une autre dépêche de l’AFP diffusée le 8 août 2023. D’après cet article source, le groupe armé a affirmé avoir tué seize militaires maliens et en avoir blessé des dizaines d’autres dans une communication sur son organe de propagande.
Vous pouvez avoir des détails et des éléments de contexte sur ce sujet dans un de nos articles de vérification de publications sur Facebook d'août 2023.
Ce que dit la publication sur Facebook d’Ikta Mohamed
« #Mali / #Menaka: Un convoi des FAMa qui escortait des camions en direction du #Niger est tombé dans une #embuscade de l'EI Sahel ce jeudi a #Assaylal entre Ménaka et #Anderamboukane », a écrit l’internaute identifié comme Ikta Mohamed sur sa page Facebook le vendredi 4 août 2023, « jeudi » faisant référence à la veille, le 3 août 2023. « D'après mes infos, plusieurs soldats ont été tués, des véhicules et des armes emportés. C'est sur le même axe qu’ils devraient emprunter pour secourir les putschistes nigériens si jamais une intervention a lieu », a-t-il ajouté à son texte, accompagné d’une photo.
L’image est de piètre qualité. L’on y voit plusieurs hommes en tenues militaires kaki, dont certains en armes, dans un décor sahélien, avec quelques arbustes épineux secs ajoutant à l’ocre ambiant. Les hommes en uniforme semblent inspecter une épave de véhicule.
À propos de l’auteur de la publication
Selon ses renseignements biographiques sur Facebook, Ikta Mohamed est originaire de la ville d’Agadez, dans le nord du Niger, et il réside actuellement à Niamey, la capitale. Il a indiqué à la plateforme être un ancien de la Garde nationale, y ayant « travaillé » de 2008 à 2015, sans plus de détails.
Au Niger, la garde nationale est un « corps autonome » et « une force de sécurité publique placée sous l’autorité directe du ministre en charge de la Sécurité publique », peut-on lire sur le site officiel de cette force. Elle « est chargée, seule ou concurremment avec les autres forces de défense et de sécurité », de plusieurs missions, dont : « surveillance du territoire », « défense opérationnelle du territoire », « sécurité publique, maintien et rétablissement de l’ordre », selon la même source.
Photo de soldats maliens à Tombouctou en 2013
La recherche inversée de la photo publiée le 4 août 2023 sur Facebook par l’internaute nigérien Ikta Mohamed permet de constater qu’elle n’a pas été prise dans la zone de l’embuscade meurtrière contre des militaires le 3 août 2023 dans la zone de Ménaka.
Le recours à des outils ou des sites dédiés comme TinEye, Google Images ou encore Reverse Image Search a permis de préciser qu’elle a été réalisée à Tombouctou, dans le nord-ouest du Mali, et qu’elle est bien plus ancienne : elle date de 2013.
Cette photo apparaît ainsi sous la référence ID 2N7RFFJ dans la version anglaise de la banque d’images Alamy. Selon les indications dans la légende et la fiche de la photo, elle a été prise le 21 mars 2013 à Tombouctou par un collaborateur — « STR », pour « stringer » — de l’agence Associated Press (AP).
Elle montre des soldats maliens sur les lieux d’une attaque suicide perpétrée par un membre de groupe armé djihadiste près de l’aéroport de Tombouctou.
Les détails fournis par Alamy permettent de retrouver la photo d’origine avec les mêmes renseignements sous le numéro d’identification 414193990633 (ID : 414193990633) sur AP Newsroom, un des sites de la plateforme d’AP.
« Sur cette photo prise le 21 mars 2013, des soldats maliens sont autour des débris laissés par un kamikaze djihadiste qui s'est fait exploser à un poste de contrôle de l'armée malienne près de l'aéroport de Tombouctou, au Mali », est-il expliqué dans la légende, que nous avons traduite de l’anglais vers le français. L’image a été ajoutée sur la plateforme le 31 mars 2013.
Depuis 2013, cette photo a été utilisée par plusieurs médias pour illustrer notamment des articles sur le Mali ou des attaques au Sahel, entre autres sujets.
Nous l’avons retrouvée dans un article mis en ligne le 31 mars 2013 par la Voix de l’Amérique sur son site en français dédié à l’Afrique, VOA Afrique. La Voix de l’Amérique est le diffuseur public états-unien pour l’étranger.
Article rédigé par Faysal Arnold Boukary et Coumba Sylla.
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