Retour sur Africa Check
Montage / Africa Check

Cette photo n’est pas celle d’une manifestation contre l’insécurité organisée le 10 août 2023 à Bandiagara, dans le centre du Mali

EN BREF - Il s’agit d’un instantané d’une manifestation anti-gouvernementale tenue le 10 juillet 2020 à Bamako, la capitale malienne.

Au Mali, des localités dans la zone de Bandiagara (centre) ont été les cibles d’attaques les samedi 5 et dimanche 6 août 2023.

Dans un communiqué publié le 7 août 2023 par le site d’actualités sur le Mali aBamako.com, le gouvernorat de la région a dénoncé des actes « terroristes » ayant fait dix-sept morts. La première attaque a visé le 5 août 2023 dans l’après-midi le village de Bodio, où quinze personnes ont été tuées et deux blessées. Trois chasseurs traditionnels, appelés au Mali donsos ou dozos, figurent parmi les morts. De même source, le 6 août 2023, deux dozos ont péri lorsque leur moto tricycle a heurté un engin explosif artisanal entre les villages de Bodio et Anakanda.

Le 10 août 2023, à l’appel d’organisations de la société civile locale, des habitants de Bandiagara ont participé à une manifestation pour dénoncer l’insécurité dans la région.

Le rassemblement de protestation a dégénéré, la manifestation a été violemment dispersée, faisant sept blessés, d’après un responsable du gouvernorat cité dans une dépêche de l’Agence France-Presse (AFP) publiée le même jour et reprise par le média Africanews. Dans un article sur les mêmes violences mis en ligne le 11 août 2023, le diffuseur public allemand Deutsche Welle (DW) évoque un bilan d’« au moins un mort et cinq blessés du côté des manifestants ».

C’est dans ce contexte que sur Facebook, une page baptisée Hyper Flash Communication a partagé le 10 août 2023 la nouvelle de la répression de la manifestation, assortie d’une photo.

« Une manifestation contre l'insécurité à Bandiagara, dans le centre du Mali touché ce week-end par des attaques djihadistes, a dégénéré mercredi et fait plusieurs blessés, a annoncé un responsable du gouvernorat. #FlashInfo #Mali #InfoFlash », peut-on lire dans la publication. Sur sa photo, on voit une artère de circulation à deux sens occupée par quelques dizaines de personnes tandis que de la fumée noire s’élève de quelques pneus allumés sur le bitume.

 

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À propos de la page de la publication

Inscrite dans la catégorie « société de médias/d’actualités » et elle se présente comme une « agence de communication digitale et de marketing ».

La page a été créée le 13 février 2021, selon les indications sur sa transparence. Baptisée au départ « Fils Maïga Officiel », elle a changé de nom plusieurs fois jusqu’au 30 avril 2023, date à laquelle elle a été renommée Hyper Flash Communication.

D’après les mêmes renseignements, elle est liée à un numéro de téléphone burkinabè et à une adresse de messagerie électronique gratuite Gmail.

 

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Photo d’une manifestation anti-gouvernementale à Bamako en 2020

La vérification faite sur la photo publiée le 10 août sur Facebook par la page Hyper Flash Communication montre qu’elle n’a pas été prise à Bandiagara le 10 août 2023, mais à Bamako le 10 juillet 2020.

La recherche inversée d’images avec le logiciel dédié TinEye a permis de retrouver les indications sur l’auteur de cette photo, la date et le lieu où elle a été prise.

Elle apparaît ainsi sous deux références (numéro 2MGBPNP et numéro 2MGBPJK) dans la version anglaise de la banque d’images Alamy. Selon les indications dans la légende et la fiche de la photo, elle a été prise le 10 juillet 2020, un vendredi, à Bamako par le journaliste Baba Ahmed pour l’agence Associated Press (AP). Il s’agit d’une scène d’une des manifestations émaillées de violences qui ont eu lieu à Bamako en juillet 2020. Les manifestants réclamaient la démission du président d’alors, Ibrahim Boubacar Keïta surnommé IBK.

« Des manifestants anti-gouvernementaux brûlent des pneus et barricadent des routes dans la capitale Bamako, au Mali, le vendredi 10 juillet 2020. Des milliers de personnes ont défilé vendredi dans la capitale du Mali lors de manifestations antigouvernementales organisées par un groupe d'opposition qui rejette les promesses de réformes du président », est-il expliqué dans la légende, que nous avons traduite de l’anglais vers le français.

 

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Les détails fournis par Alamy permettent de retrouver la photo d’origine, avec les mêmes indications de crédit et légende, sous le numéro d’identification 20192710139397 ("ID: 20192710139397") sur AP Newsroom, un des sites de la plateforme d’AP.

 

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Depuis 2020, cette photo a été utilisée par plusieurs médias pour illustrer des articles sur le Mali.

C’est le cas du média français Radio France Internationale (RFI) pour un article publié le 13 juillet 2020 sur son site.

 

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Idem pour le quotidien suisse francophone La Tribune de Genève (TDG) pour un article mis en ligne le 27 juillet 2020

 

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Manifestations réprimées dans le sang en juillet 2020 au Mali

En juillet 2020, des manifestations hostiles au pouvoir en place se sont déroulées non seulement à Bamako, mais également dans certaines régions du pays, à l’appel d’un mouvement politique alors en pointe dans la contestation contre le président Ibrahim Boubacar Keïta, le Mouvement du 5 juillet-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP).

« Le vendredi 10 juillet, des manifestations à l’appel du Mouvement du 5 Juillet-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) ont eu lieu à Bamako, la capitale, pour demander la démission du président malien Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). C’était la troisième manifestation organisée par ce mouvement, après celles des 5 et 19 juin », a expliqué l’organisation de défense des droits humains Amnesty International dans une communication publiée le 13 juillet 2020. « Ces manifestations ont été entachées de violences », avec plusieurs bâtiments publics, d’institutions et du parti du président Keïta ayant été « ont été pris pour cible pendant plusieurs heures » par les protestataires, qui ont aussi « érigé des barricades dans plusieurs quartiers. Les forces de l’ordre ont usé d’une force excessive et létale contre eux, en tirant à balles réelles », a ajouté l’ONG. Elle a fait état « de la mort d’au moins onze personnes, dont un mineur de 15 ans, au cours des manifestations » et réclamé une enquête indépendante sur ces violences.

Dans un rapport d’enquête sur ces violences rendu public en novembre 2020, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) a, elle, parlé d’un bilan de quatorze manifestants tués. Le document a été rédigé par la Division des Droits humains et de la Protection (DDHP).

« Au terme de l’enquête, la DDHP est en mesure de conclure que, les 10, 11, 12 et 13 juillet à Bamako, quatorze manifestants, tous de sexe masculin, dont deux enfants, ont été tués lors des interventions des forces de maintien de l’ordre », peut-on lire dans le rapport. « Au moins 158 autres personnes, dont 118 agents des forces de défense et de sécurité, parmi lesquels 81 fonctionnaires de police, ont été blessés du fait de l’intervention des forces de l’ordre et d'actes de violence imputables aux manifestants au cours des évènements du 10 au 13 juillet 2020. Enfin, la DDHP est en mesure de conclure qu’entre le 10 et 13 juillet 2020, au moins 200 personnes (dont six femmes et sept enfants) ont été arrêtées et détenues à Bamako » en lien avec ces violences.

Violences suivies d’un coup d’État militaire en août 2020

Selon le même rapport de la Minusma, au Mali, « le 10 juillet 2020, des manifestations ont été organisées dans la plupart des régions. Toutefois, des scènes de violence ont été documentées principalement à Sikasso (sud) et Koulikoro (ouest) », et elles « se sont étendues jusqu’au 17 août 2020 ».

Ibrahim Boubacar Keïta, qui dirigeait le Mali depuis 2013, a été renversé le 18 août 2020 par des militaires menés par le colonel Assimi Goïta.

Dans la foulée, Keïta a annoncé sa démission ainsi que la dissolution de l’Assemblée nationale et celle du gouvernement. En septembre 2020, les putschistes ont désigné Bah Ndaw, un militaire à la retraite, comme président de transition, avec comme vice-président le colonel Goïta.

Nouveau putsch en mai 2021

Neuf mois après le coup d’État militaire d’août 2020, le Mali a connu nouveau putsch en mai 2021, le cinquième depuis son accession à l’indépendance en 1960 (1968, 1991, 2012, 2020, 2021).

Le président de transition Bah Ndaw et son Premier ministre Moctar Ouane, un civil, ont été arrêtés le 24 mai 2021. Le 25 mai 2021, le colonel Goïta a annoncé les avoir démis de leurs fonctions, les accusant de velléité de « sabotage de la transition » et lui-même a été a déclaré chef de l’État et président de la transition le 28 mai 2021 par la Cour constitutionnelle malienne.

Ibrahim Boubacar Keïta est décédé en janvier 2022.

Article rédigé par Faysal Arnold Boukary, complété et édité par Coumba Sylla.

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