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Sénégal : cette vidéo ne montre pas des affrontements entre forces de l'ordre et manifestants à Ziguinchor, dans le sud du pays

EN BREF - Cette vidéo a été prise en janvier 2015 lors de manifestations de l’opposition en République démocratique du Congo (RDC) contre une révision de la loi électorale permettant au chef de l’État de l'époque, Joseph Kabila, de reporter l'élection présidentielle de 2016.

Le 16 mars 2023, Ousmane Sonko, leader des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (Pastef), principal parti politique de l’opposition sénégalaise, était invité à comparaître devant le tribunal de Dakar dans le cadre de son procès pour diffamation et injures à l’encontre du ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang. Il s’agit de la deuxième affaire judiciaire à laquelle est confronté Ousmane Sonko, après son inculpation en mars 2021 de viols et menace de mort à l’encontre d'Adji Sarr, à l’époque masseuse dans un salon de beauté à Dakar. 

Le même jour, de nombreux heurts entre forces de l’ordre et partisans de l’opposition ont éclaté de façon sporadique dans différents lieux de la capitale sénégalaise. Alors qu’il se rendait au tribunal, Sonko a été sorti manu militari de son véhicule par les forces de l’ordre qui l’ont conduit au tribunal. L’opposant a ensuite affirmé « s’être senti mal à cause du gaz lacrymogène envoyé par les forces de l’ordre » au moment où il a été extrait de son véhicule. 

Le procès a finalement été renvoyé, en audience spéciale, au 30 mars 2023. 

Le 20 mars 2023, de violents affrontements ont eu lieu à Bignona, dans la région naturelle de la Casamance (sud du pays), entre policiers et partisans du leader du Pastef. Ousmane Sonko est par ailleurs maire de la commune de Ziguinchor, également en Casamance. Selon une dépêche publiée le 20 mars 2023 par l’Agence de presse sénégalaise (APS), une personne a été tuée lors ces affrontements. 

C’est dans ce contexte que le 20 mars 2023, le compte Facebook Penda Mbaye a partagé une vidéo censée montrer des heurts entre forces de l’ordre et manifestants dans la ville de Ziguinchor. La légende de la publication a été écrite en partie en wolof, langue la plus parlée au Sénégal. Elle indique : « Daguaye sette li rek, aujourd'hui à Ziguinchor », que l'on peut traduire en français par : « Regarde-moi ça, aujourd’hui à Ziguinchor ». 

Capture d'écran de la publication

La vidéo, qui dure trente secondes, montre des agents des forces de l’ordre prenant la fuite face à l’avancée d’une foule de personnes. Au 22 mars 2023, elle enregistrait plus de 124 000 vues et 1 800 partages. Le compte qui l’a publiée était suivi par plus de 4 900 personnes à la même date. 

La même publication a été faite par d’autres comptes sur Facebook (1, 2, 3, 4, 5, 6). 

Une vidéo qui existe sur internet depuis 2015

La recherche inversée d’images à partir du logiciel SmallSeoTools nous a permis de réunir plus de détails sur l’origine exacte de cette vidéo. 

Elle a été mise en ligne sur YouTube le 19 janvier 2015 par le compte Ziana TV, qui se présente comme étant la « 1ère chaîne d'information de la diaspora congolaise (Brazzaville) ». D’après la légende de la publication, la vidéo montre une manifestation qui a eu lieu à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC). « La police en fuite devant la pression des manifestants », lit-on notamment. 

Capture d'écran de la publication

Manifestations contre la révision de la loi électorale en 2015 en RDC

Cette vidéo que nous vérifions a été prise en janvier 2015 lors de manifestations de l’opposition congolaise contre une révision de la loi électorale permettant au chef de l’État de l'époque, Joseph Kabila, de reporter la présidentielle de 2016.

Les manifestants s'étaient rendus aux alentours du Palais du peuple, le siège du Parlement congolais, ainsi que dans l’enceinte de l’Université de Kinshasa. Ces contestations ont été suivies de répressions ayant causé la mort de quinze personnes, lit-on dans un article publié le 21 janvier 2015 par Les Observateurs, à la fois site et émission collaborative du média français France 24. Ce texte cite le gouvernement de la RDC, selon lequel les personnes mortes étaient « principalement des pillards ».

Le 25 janvier 2015, le Parlement congolais avait voté la loi électorale controversée, mais les députés s’étaient mis d’accord pour supprimer la disposition liant l’organisation d’un recensement à celle des élections présidentielle et législatives. « Une disposition revue et corrigée par le Sénat qui a imposé de son côté la "tenue des scrutins dans les délais constitutionnels et légaux" », a rapporté le magazine Jeune Afrique dans un article mis en ligne le 26 janvier 2015.

Cette disposition n'avait pas été respectée, car le 4 octobre 2016, Joseph Kabila a annoncé le report de l’élection présidentielle à une date ultérieure alors que son mandat expirait le 19 décembre de la même année. Le scrutin s’est tenu le 30 décembre 2018 et a été remporté par Félix Tshisekedi, un des principaux opposants à Joseph Kabila. 

La vidéo avait fait l'objet d'une mésinformation par un homme politique espagnol en 2016

En 2016, Pablo Casado Blanco, à l’époque sous-secrétaire à la Communication du Parti populaire (PP), principale formation d’opposition au gouvernement espagnol, avait relayé cette même vidéo sur son compte Twitter. 

« Un ami du Venezuela m'a envoyé ceci : les gens affrontent la police chaviste en demandant de la nourriture. Nous ne pouvons pas le tolérer », avait-il assuré dans son tweet. Il a supprimé cette publication plus tard, après des signalements d’internautes lui faisant comprendre que la vidéo avait été prise en RDC. 

« Une fois l'erreur clarifiée, je supprime le tweet pour éviter toute confusion supplémentaire. Je m’oppose à ces situations où qu'elles se produisent », avait réagi Casado Blanco dans des propos rapportés dans un article publié le 11 juin 2016 par Verne El País, un site web du journal espagnol El País

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