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JOHN WESSELS / AFP

France 24 publie une donnée caduque et partielle sur l'accès à l'eau potable en Afrique

Le média français France 24 a affirmé que seulement un Africain sur quatre a accès à l’eau potable citant les Nations Unies comme étant la source de l'information : il s'agit d'une donnée caduque qui ne concerne qu'une partie du continent.

Cet article date de plus de 1 an

  • Seulement un Africain sur quatre a accès à l’eau potable (France 24, mars 2022).
  • La donnée concerne l'année 2017 et ne porte que sur l'Afrique subsaharienne (UN Water).
  • Selon des données publiées en 2020 sur toute l'Afrique, 39 %, soit 2 personnes sur 5, ont accès à l'eau potable gérée de manière sûre (UN Water).

Dakar, la capitale sénégalaise, a abrité du 21 au 26 mars 2022 le 9ᵉ Forum mondial de l’Eau. Ce rendez-vous est organisé tous les trois ans, depuis 1997 par le Conseil mondial de l'Eau, en partenariat avec un pays hôte. Le forum de Dakar fut le tout premier à être organisé en Afrique subsaharienne.

C’est dans ce contexte que la chaîne de télévision France 24 affirme, dans un reportage sur l’accès à l’eau à Dakar, que « seulement un Africain sur quatre a accès à l’eau potable », mentionnant les Nations Unies comme étant la source de la statistique.

Que disent les données des Nations Unies ?

UN Water est l’institution qui coordonne les efforts des Nations Unies et des organisations internationales travaillant sur les questions d'accès à l'eau et à l'assainissement. Elle a indiqué à Africa Check que les publications se trouvant respectivement dans le rapport Joint Monitoring Programme (JMP) et sur le portail de données de celui-ci, présentent toujours les données les plus récentes sur la surveillance de l'approvisionnement en eau, de l'assainissement et de l'hygiène. Il s'agit de données « communes à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et au Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) », précise UN Water.

Sur sa page de présentation, JMP dit disposer « d’une vaste base de données mondiale, principale source d'estimations comparables des progrès réalisés aux niveaux national, régional et mondial ». Et le rapport, qui « suit les progrès accomplis sur les questions relatives à l’eau, l’assainissement et l’hygiène, publie des données de référence mondiales en 2017 (pour l'année 2015)».

« Puis des mises à jour ont été également publiées par le JMP en 2019 et 2021 », renseigne UN Water.

Tout d’abord, le rapport de suivi de progrès de 2017 souligne qu'en 2015, 24 % de la population d'Afrique subsaharienne utilisait des « services d'eau potable gérés de manière sûre ».

Ensuite, le rapport de suivi de progrès de 2019 rapporte qu’en 2017, 27 % de la population d’Afrique subsaharienne a eu recours à des services d’eau potable gérés de manière sûre. C’est d’ailleurs cette étude de 2019 qui rapporte l'estimation selon laquelle « une personne sur 4 » en Afrique subsaharienne a accès à l’eau potable, ajoute UN Water.

Quant au rapport de suivi de progrès le plus récent, publié en 2021, il indique qu’en 2020, 30 % de la population d’Afrique subsaharienne a utilisé des services d’eau potable gérés de manière sûre.

En considération de cela, UN Water explique qu’il serait plus précis de dire que 3 personnes sur 10 ont accès à l’eau potable en Afrique subsaharienne.

Les données ne concernent qu'une partie de l'Afrique

Nous avons retrouvé la phrase « seulement un Africain sur quatre a accès à une source sûre d'eau potable » dans un article publié en mars 2019 sur le site web des Nations Unies à l'occasion de la publication du rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau. Mais en lisant l'article et en consultant le rapport, nous avons constaté qu'il s'agissait plus précisément de l'Afrique subsaharienne et que les données statistiques étaient issues du rapport JMP 2017 précité.

« Nous confirmons que pour UN Water, l'Afrique dans sa globalité et l'Afrique subsaharienne sont différentes », précise l’agence onusienne, qui souligne également que « UN Water ne publie pas de données couvrant toute l'Afrique, et il semble que le JMP ne le fait pas non plus ».

En effet, selon le rapport JMP publié en 2021, si le nombre de pays disposant d'estimations pour les nouveaux indicateurs mondiaux des Objectifs de Développement Durable (ODD) a augmenté à chaque mise à jour dudit rapport, beaucoup ne disposent encore que de maigres données, ce qui rend difficile l'évaluation des tendances.

Il convient également de souligner que dans les rapports JMP, l'Algérie, l'Egypte, la Libye, le Maroc, le Sahara Occidental, le Soudan et la Tunisie sont mis dans le groupe Afrique du Nord et Asie Occidentale.


Comment est évalué l'accès à l'eau potable ?

Les services d'eau potable font référence à l'accessibilité, à la disponibilité et à la qualité de la principale source utilisée par les ménages pour la boisson, la cuisine, l'hygiène personnelle et les autres usages domestiques.

Les échelles de service du JMP sont utilisées pour évaluer et comparer les niveaux de service entre les pays. Elles ont été mises à jour et étendues pour faciliter un meilleur suivi mondial de l'eau potable, de l'assainissement et de l'hygiène. Les nouvelles échelles s'appuient sur la classification établie des types d'installations améliorées/non améliorées, assurant ainsi la continuité avec le suivi antérieur, et introduisent de nouveaux échelons avec des critères supplémentaires relatifs aux niveaux de service.

Les sources d'eau potable améliorées sont celles qui, de par leur conception et leur construction, ont le potentiel de fournir de l'eau potable. Le JMP subdivise la population utilisant des sources améliorées en trois groupes en fonction du niveau de service fourni. Pour répondre aux critères d'un service d'eau potable géré de manière sûre, les ménages doivent utiliser une source améliorée qui est :

  • accessible sur place,
  • disponible en cas de besoin, et
  • exempte de toute contamination.

Si la source améliorée ne répond à aucun de ces critères mais qu'un aller-retour pour collecter l'eau prend 30 minutes ou moins, elle est classée comme un service d'eau potable de base. Si la collecte de l'eau à partir d'une source améliorée prend plus de 30 minutes, elle est classée comme un service limité. Le JMP distingue également les populations qui utilisent des sources non améliorées, telles que des puits ou des sources non protégées, et les populations qui boivent de l'eau de surface recueillie directement dans une rivière, un barrage, un lac, un ruisseau ou un canal d'irrigation.


Le président sénégalais Macky Sall prononce son discours à l'ouverture du 9e Forum mondial de l'eau à Dakar, le 21 mars 2022. SEYLLOU / AFP
Le président sénégalais Macky Sall prononce son discours à l'ouverture du 9e Forum mondial de l'Eau à Dakar, le 21 mars 2022. SEYLLOU / AFP

 

Qu'en est-il de l'accès à l'eau potable concernant l'Afrique dans sa globalité ?

Africa Check a par ailleurs contacté les éditeurs du rapport JMP pour des précisions supplémentaires. Sur son site dédié, il est indiqué que « le Programme commun OMS/UNICEF de surveillance de l'approvisionnement en eau, de l'assainissement et de l'hygiène (JMP) présente depuis 1990 des estimations nationales, régionales et mondiales des progrès accomplis en matière d'eau potable, d'assainissement et d'hygiène ».

Dans un courrier électronique, l’équipe du JMP indique que « l’étude JMP conjointement produite par l'OMS/UNICEF a récemment (2022) publié un aperçu ou bilan statistique pour l'Afrique, qui couvre tous les pays membres de l'Union africaine ».

Selon les données du document pour l'année 2020, 39 % de la population utilise une eau potable gérée de manière sûre (définie comme une source améliorée accessible sur place, disponible en cas de besoin et exempte de contamination).

69 % de la population a au moins un service d’eau de base (défini comme une source améliorée pour laquelle le temps de collecte ne dépasse pas 30 minutes pour un aller-retour, file d'attente comprise).

Sur cette base, on pourrait dire que « 7 Africains sur 10 disposent de services d'eau potable de base », mais que seulement « 2 Africains sur 5 disposent de services d'eau potable gérés de manière sûre », souligne l’équipe du JMP.

(Note : Le rapport indique que les données qu'il contient sont des estimations pour des besoins de compatibilité et ne sont donc pas nécessairement les statistiques officielles des pays, régions ou territoires concernés qui peuvent utiliser d'autres méthodes rigoureuses).


 

Conclusion : la donnée évoquée par France 24 est caduque et ne porte que sur l'Afrique subsaharienne

La chaîne de télévision française France 24 indique, dans un reportage, que « seulement un Africain sur quatre a accès à l’eau potable », citant les les Nations Unies comme étant la source de la donnée.

Selon UN Water, l’institution qui coordonne les efforts des Nations Unies et des organisations internationales travaillant sur les questions d'eau et d'assainissement, cette statistique date de 2017 et ne concerne que l'Afrique subsaharienne et non le continent africain dans sa globalité.

Le Programme commun OMS/UNICEF de surveillance de l'approvisionnement en eau, de l'assainissement et de l'hygiène (JMP) a publié en 2022 des estimations portant sur toute l'Afrique. Et selon ces données, 39 % de la population, soit environ 2 personnes sur 5, utilise une eau potable gérée de manière sûre (définie comme une source améliorée accessible sur place, disponible en cas de besoin et exempte de contamination).

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