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GUIDE : comment vérifier une note vocale à partir de votre téléphone

Les messages vocaux présentent de nombreux avantages : ils sont expressifs et pratiques, par exemple. Mais ils constituent aussi un canal de diffusion de fausses nouvelles.

La version originale de cet article a été publiée sur notre site en anglais le 26 octobre 2023.

La désinformation sur WhatsApp peut être difficile à détecter et à vérifier, surtout lorsqu'elle émane d'amis ou de membres de la famille en qui l'on a confiance. Africa Check a vérifié de nombreuses affirmations sur WhatsApp sous forme de texte, d'image et de vidéo. Mais l'une des formes de contenus les plus difficiles à vérifier est la note vocale.

Ayant été en charge de la gestion de la ligne WhatsApp de la rédaction anglophone d'Africa Check pendant plus de cinq ans, j'ai eu à faire face à d’innombrables notes vocales virales partagées sur cette plateforme de messagerie. 

Qu'il s'agisse d'avertissements sur la nécessité de faires des réserves d’énergie en prévision des coupures d'électricité qui affectent l’étendue du territoire sud-africain, ou de remèdes faits maison contre la Covid-19 pendant le confinement, j'ai écouté tellement de conseils douteux à travers des notes vocales que j’en oublie plusieurs. 

Mais que pouvez-vous faire lorsque vous recevez ces messages intraçables ? Bien qu'il soit très difficile de vérifier les notes vocales, nous avons quelques conseils pour vous aider à le faire.

La règle numéro un

La règle la plus importante - et nous l'avons placée en tête de liste pour que vous vous en souveniez - est de ne pas transférer, envoyer ou partager une note vocale que vous avez reçue si vous n'êtes pas sûr(e) de son origine et de sa véracité.

Nous pouvons et devons tous nous efforcer d'éviter de diffuser de fausses nouvelles. Le fait de transmettre des affirmations non vérifiées peut avoir toutes sortes de conséquences involontaires. Alors, assurez-vous de ne pas faire partie de ce cercle vicieux.

Maintenant que nous avons établi la règle la plus importante à respecter, voici quelques conseils pour vous aider à éviter de croire ou de partager de fausses nouvelles transmises par le biais de notes vocales.

1. Qui se cache derrière la voix ?

Tout d'abord, méfiez-vous des messages vocaux anonymes. Si la personne ne s'identifie pas et ne dit pas au nom de qui elle s'exprime, demandez-vous si vous devez vous fier à son message. Et, dans le cas où elle mentionne un nom ou une organisation, demandez-vous si vous avez la possibilité de vérifier cela en effectuant une recherche en ligne, par exemple.

Lors des manifestations qui ont eu lieu en Afrique du Sud en 2021 suite à l'incarcération de l'ex-président sud-africain Jacob Zuma, une note vocale devenue virale sur WhatsApp et qui avait  également été postée sur X (ex-Twitter), affirmait que l’entreprise Spar, spécialisée dans la distribution en détails de produits alimentaires, avait organisé le déploiement de « l'armée ». La note vocale affirmait également que la police sud-africaine avait lancé un appel à l'aide au public.

Dans ce cas de figure, le premier indice sur lequel vous devez vous appuyer pour ne pas vous fier à cet appel à la violence relayé dans la note vocale est que la personne qui parle ne s'identifie pas et ne dit pas d'où elle vient.

Africa Check a ensuite contacté la Structure nationale mixte d'opérations et de renseignements, dont le porte-parole, le colonel Brenda Muridili, a confirmé que « la police n'a jamais publié de communiqué demandant aux communautés disposant d'armes à feu d'apporter leur aide ».

Il est toujours bon de vérifier l'exactitude des informations auprès de l'organisation concernée. Parfois, il suffit de consulter les réseaux sociaux d'une organisation ou la section « communiqués de presse » de son site web pour obtenir les informations dont on a besoin.

2. S'agit-il d'un faux message ?

Que faire si la note vocale prétend provenir d'une personne officielle ou connue ? La première étape consiste à comparer la note vocale à des échantillons ou des extraits connus de la voix de cette personne en recherchant des enregistrements existants sur des plateformes telles que YouTube ou des sites d'information. 

Si une personne très connue a fait une déclaration devenue virale sur WhatsApp, il est probable que les médias en aient parlé aussi. Si l'histoire n'a pas été traitée par ces médias, c'est le signe qu'il s'agit d'un faux contenu.

Une autre question que vous pouvez vous poser est de savoir si la note vocale correspond à la voix de la personne à laquelle elle a été attribuée. Si ce n'est pas le cas, il pourrait s'agir d'un faux contenu.

Une voix synthétique est une voix artificielle générée par un ordinateur. L'une des méthodes les plus répandues consiste à utiliser la technologie de l'intelligence artificielle (IA) pour créer une « voice-skin », c'est-à-dire une copie numérique de la voix d'une personne réelle, qui est ensuite utilisée pour générer de nouvelles voix.

En avril 2023, nous avons démystifié une vidéo largement partagée prétendant que le président sud-africain Cyril Ramaphosa aurait suggéré de démolir deux structures importantes - le monument Voortrekker et le stade de rugby Loftus Versfeld - dans le cadre d'un plan visant à résoudre la crise énergétique actuelle dans le pays. 

Mais la voix n'était pas celle de Ramaphosa, et, probablement, l'accent de cette voix sonnerait étrange pour la plupart des Sud-Africains : ce qui nous rappelle l'effet  « Uncanny Valley » - traduit en français par la « vallée de l’étrange » - que l'on ressent avec des robots très réalistes.


Retrouvez plus de détails sur la « vallée de l’étrange » dans notre guide : Quelques conseils d'Africa Check pour repérer des images (photos ou vidéos) générées par intelligence artificielle


Jean le Roux, qui étudie la désinformation au Digital Forensic Research Lab (DFRLab), a déclaré sur Twitter que la voix avait probablement été créée avec « l'un des outils d'habillage de voix par l'IA disponibles sur TikTok », qui aurait des difficultés avec l'accent sud-africain. 

Ainsi, vous devez rechercher des différences significatives dans les modèles d'élocution, l'accent ou les caractéristiques vocales. Notez tout élément inhabituel ou suspect, tel que des incohérences dans le ton de l’orateur ou les bruits de fond. Ces éléments pourraient être le signe d'une modification ou d'une manipulation. 

3. Écoutez attentivement

Il ne s'agit pas seulement du son de la voix, le contenu est également important. 

Si la note vocale contient des informations ou des affirmations spécifiques, vérifiez-les auprès de sources fiables. Utilisez des moteurs de recherche ou des sites d'information fiables pour vérifier les informations, qu'il s'agisse de faits, de chiffres ou d'événements présentés dans la note vocale. 

En 2021, notre rédaction au Nigeria a vérifié une note vocale circulant sur WhatsApp dans laquelle un homme se faisant appeler « Mr Godwin Adebayo from NCDC » déclarait que le Centre nigérian de contrôle des maladies (NCDC, selon le sigle en anglais) a offert à des Nigérians « une somme de 35 000 Nairas en raison du confinement ayant eu lieu durant la période de la Covid-19 ». 

Après une recherche en ligne, nous avons découvert un démenti de cette affirmation, dans lequel le NCDC qualifiait le message de « faux ». Dans sa note, le Centre a invité les Nigérians à se méfier des messages ou des appels frauduleux prétendant provenir de lui et demandant des numéros de compte ou d'autres informations personnelles.

Il en va de même pour les incohérences ou les contradictions. Si les affirmations faites dans la note vocale ne correspondent pas à des informations vérifiées ou confirmées par des sources officielles, vous devez vous en méfier.

4. Le contexte est essentiel

L'étape suivante consiste à évaluer le contenu de la note vocale au-delà des affirmations qu'elle contient. 

S'il s'agit d'un message émanant d'une personne célèbre ou d'un dirigeant, cela correspond-il à son comportement habituel, à ses croyances ou aux circonstances dans lesquelles il / elle se trouve ? Ses affirmations sont-elles cohérentes avec la position officielle de l'organisation qu'il / elle représente ou pour laquelle il / elle travaille ?

Prenons cet exemple : une note vocale largement partagée, émanant de « Varun Pulyani, directeur de WhatsApp », affirmait que WhatsApp allait devenir payant si les destinataires du message ne continuaient pas à le partager, comme ils en avaient reçu l'instruction.

En écoutant la note vocale, il était clair que quelqu'un avait utilisé une simple voix générée par ordinateur pour lire le message. Ce n'était pas une personne réelle qui faisait ces affirmations, et certainement pas le directeur de la plateforme de messagerie, puisqu'une simple recherche sur Google a révélé que Varun Pulyani n'avait jamais été directeur de WhatsApp.

WhatsApp disposait d'un modèle payant, mais il a été suspendu en 2016. En 2012, la plateforme de messagerie a publié un communiqué démentant ces allégations et indiquant que le canular existait depuis près de dix ans. « Veuillez comprendre qu'il s'agit d'un canular et qu'il n'y a rien de vrai là-dedans », indiquait le communiqué de WhatsApp.

5. Pourquoi le message a-t-il été créé ?

Il est également important d'évaluer les motifs et les avantages potentiels de la création ou de la diffusion d'une note vocale trompeuse.

Africa Check a déjà examiné les raisons possibles de la création et de la diffusion de fausses nouvelles et de désinformation, au nombre desquelles :

  • l'argent : en suscitant du trafic vers des sites de fausses nouvelles afin d'en tirer des revenus publicitaires ou de promouvoir de faux remèdes;
  • le désir d'entrer en contact avec une communauté en ligne, comme les sympathisants d'un parti politique ou d'une cause, à l'instar du mouvement anti-vaccin;
  • influencer l'opinion publique, par exemple en discréditant un adversaire politique. 

Cette situation est aggravée par le fait que les gens participent involontairement à la diffusion de fausses nouvelles lorsqu'ils tombent dessus dans les flux des médias sociaux ou sur WhatsApp, ce qui contribue à augmenter leur portée.

6. Y a-t-il un sentiment d'urgence ?

Méfiez-vous des notes vocales alarmantes ou urgentes. 

En général, nous avons tendance à partager des contenus portant sur des sujets qui nous tiennent à cœur. Parfois, ce que nous partageons peut être une information erronée. Une étude réalisée en 2020 sur les personnes les plus susceptibles de croire et de partager des informations erronées a révélé que « le fait d'être très attaché à un sujet n'est pas seulement une réaction individuelle à une forte émotion. C'est aussi un processus social d'affirmation de ce que nous défendons, de ce que nous aimons et de la façon dont nous voulons être perçus ».

De ce fait, lorsque vous tombez sur une note vocale qui vous contrarie ou qui joue sur vos émotions, soyez prudent et vérifiez-la avant même d'envisager de la transmettre à vos amis et à votre famille.

7. Interrogez l'expéditeur

Demandez à la personne qui vous a envoyé la note vocale si elle en a vérifié le contenu et si elle peut vous fournir des détails supplémentaires. Cela peut être aussi simple que de répondre à la note vocale et de lui demander de qui elle l'a reçue. La plupart du temps, vous vous rendrez compte que le message ne provient pas directement d’elle, mais qu'il lui a été envoyé par quelqu'un d'autre.

N'oubliez pas que si un message a été transmis, il est très probablement non vérifié et souvent faux. Il est désormais plus facile de s'en rendre compte sur WhatsApp, car la plateforme de messagerie affiche une étiquette sur les messages qui ont été transférés plusieurs fois à des personnes différentes.

Une étude menée en 2020 aux États-Unis a démontré que lorsqu'on leur demandait de choisir les messages qu'ils partageraient parmi une série de trente histoires sur la Covid-19, les participants choisissaient les faux messages aussi souvent que les vrais. La même expérience a montré que les personnes à qui l'on demandait de penser d'abord à l'exactitude des messages faisaient preuve de beaucoup plus de discernement dans leurs choix.

Alors, arrêtez-vous une seconde et réfléchissez à ce que vous partagez. Dans certains cas, cela peut faire la différence entre une note vocale contenant de fausses nouvelles qui n'atteint qu'une seule personne, ou qui est transmise à des milliers de destinataires sur WhatsApp avant qu'une vérification des faits ne soit effectuée.

8. Consultez les canaux officiels

Pour les informations essentielles, fiez-vous aux canaux officiels tels que les sites web du gouvernement, les comptes sur les réseaux sociaux ou les organes de presse crédibles. Les sources officielles fournissent souvent des informations précises et actualisées.

Voici quelques recommandations sur les personnes à contacter lorsque vous devez vérifier des informations communiquées dans une note vocale, sur la base des sujets les plus populaires que nous avons reçus sur nos différentes lignes WhatsApp.

  • Sécurité ou criminalité : contactez le poste de police le plus proche ou consultez le site web de la police nationale ou ses réseaux sociaux. Il se peut que la police ait déjà démenti la nouvelle ou qu'elle soit en mesure de vous dire si cette nouvelle elle est vraie ou fausse.
  • Alertes météorologiques : vérifiez les dernières prévisions auprès des services météorologiques de votre pays en consultant leur site web ou leurs comptes sur les réseaux sociaux. En Afrique du Sud, par exemple, la diffusion de fausses alertes météorologiques constitue un délit.
  • Dernières nouvelles : ce n'est pas parce qu'une information a été partagée sur un réseau social ou une application de messagerie par quelqu'un que vous connaissez qu'elle est vraie. Consultez des sites d'information fiables pour obtenir une confirmation des nouvelles.
  • Conseils de santé : s'il s'agit de votre santé, vous devriez consulter un expert en la matière. S'il s'agit d'une épidémie, vous pouvez également consulter les autorités sanitaires de votre pays.

    9. Jouez votre rôle dans la lutte contre la désinformation

    La manière dont les fausses nouvelles se propagent dans une grande partie de l'Afrique est parfois similaire à la façon dont les rumeurs et les ragots se répandent de bouche à oreille dans les villages.

    Sur WhatsApp, il est probable que vous soyez dans des groupes avec vos amis et les membres de votre famille, ou que vous envoyiez des messages à des personnes que vous connaissez et en qui vous avez confiance. Les présupposés liés à ces relations personnelles dans une société ayant une vision communautaire du monde, telle que l'exactitude innée, font de WhatsApp un agent de désinformation.

    Dans ce contexte, rappelez-vous qu'il est essentiel d'évaluer de manière critique les informations que vous recevez et de ne pas faire aveuglément confiance à tout ce que vous entendez ou recevez par le biais de notes vocales sur WhatsApp ou toute autre plateforme, même si cela provient d'une personne en qui vous avez confiance.

    Que faire ? Si vous avez de bonnes raisons de penser que la note vocale est un canular ou une arnaque, signalez-la à WhatsApp en suivant ces directives de signalement. Pour ce faire, il vous suffit d'appuyer sur le message sur votre téléphone jusqu'à ce que les trois petits points apparaissent, puis de sélectionner l'option permettant de signaler le message.

    Vous pouvez également transférer la note vocale en question à Africa Check pour vérification sur nos lignes WhatsApp au Sénégal, en Afrique du Sud, au Nigeria et au Kenya.

    La vérification est essentielle pour éviter d'être victime d'escroqueries, de fausses nouvelles ou de messages semant la panique. Si vous ne pouvez pas vérifier l'authenticité d'un message vocal, optez pour la prudence et ne le partagez pas.

    Africa Check est sur WhatsApp !

    Envoyez-nous des affirmations à vérifier et recevez régulièrement un résumé des informations démenties directement sur votre téléphone.

    Cliquez ici, ou enregistrez le numéro du pays de votre choix sur votre téléphone, et envoyez-nous votre nom pour que nous puissions commencer à vous envoyer des faits vérifiés.

    Sénégal : +221 77 424 94 73

    Afrique du Sud : +27 73 749 7875

    Nigéria : +234 908 377 77 +234 908 377 7789

    Kenya : +254 729 305 650 +254 729 305 650


    Article traduit de l'anglais par Azil Momar Lô, relu et édité par Valdez Onanina.

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