Retour sur Africa Check
Montage / Africa Check

Cette photo est antérieure à l’effondrement meurtrier d’une mine d’or artisanale en janvier 2024 au Mali : elle date d’octobre 2014

EN BREF – L’image de la publication vérifiée n’a pas été prise en janvier 2024 sur les lieux d’un accident meurtrier sur un site d’orpaillage au Mali, mais en octobre 2014, ailleurs dans le même pays.

Sur Facebook, la page Kora Media a publié le 24 janvier 2024 un texte avec une photo évoquant des dizaines de morts à la suite de l’effondrement d’une mine d’or sur un site d’orpaillage près de Kangaba, à une centaine de kilomètres au sud de Bamako, la capitale malienne.

Contexte

Beaucoup de médias ont fait part de cette catastrophe, survenue le 19 janvier 2024 à Kobadani (ou Kobada), localité située dans le cercle (département) de Kangaba. Kangaba est dans la région de Koulikoro, qui abrite le district de Bamako.

Dans un communiqué daté du 23 janvier 2024, le ministère malien des Mines a affirmé, sans plus de détails, qu’une galerie s’était effondrée sur un site d’orpaillage à Kobadani le 19 janvier 2024 et qu’elle avait causé « la mort de plusieurs orpailleurs ».

Dans une autre communication postée le 25 janvier 2024 sur sa page Facebook, le ministère a évoqué « plusieurs dizaines de morts, essentiellement des jeunes », ajoutant que les ministres des Mines et de l’Environnement se sont rendus la veille sur place pour présenter des condoléances des autorités « aux familles des victimes et aux populations éprouvées ».

Un responsable des orpailleurs de Kangaba, Oumar Sidibé, cité dans une dépêche diffusée le 24 janvier 2024, a parlé à l’Agence France-Presse (AFP) de « 73 corps trouvés » à l’issue d’opérations de secours et de recherche effectuées par des chercheurs d’or. D’après l’AFP, ce bilan « a été confirmé par un élu de la commune ». Un porte-parole du ministère malien des Mines, Baye Coulibaly, a, lui, mentionné à l’agence Reuters un « bilan provisoire » s’élevant « à plus de morts », selon un article mis en ligne le 25 janvier 2024 par le service Afrique en français du diffuseur public britannique BBC.

Ces chiffres étaient les derniers disponibles à la publication de cet article.

À propos de la publication de Kora Media du 24 janvier 2024 concernée par cet article

« Mali : plus de 70 morts dans l'effondrement d'une mine d'or », peut-on lire dans le texte publié le 24 janvier 2024 par la page Kora Media sur Facebook que nous traitons. Il s’agit en réalité d’une dépêche de l’AFP que nous avons vue sur plusieurs médias – reconnaissable notamment à la mention « a déclaré à l’AFP » -, que Kora Media n’a pas clairement identifiée comme telle. Cet accident est « un drame d'une rare ampleur dans une région sahélienne régulièrement sujette aux accidents dans les mines », et le Mali « est l'un des premiers producteurs d'or en Afrique », selon d’autres extraits du texte.

La publication inclut une photo montrant un terrain ocre avec des trous et monticules de terre éparpillé où s’activent plusieurs personnes, sous un ciel bleu et dégagé. Des abris de fortune, des véhicules et une végétation de savane sont visibles en arrière-plan. Sans connaissance préalable du contexte, on pourrait penser qu’il s’agit d’une scène d’activité minière en plein air ou d’une opération de fouille archéologique.

Cette image apparaît dans d’autres publications ailleurs sur Facebook évoquant le même drame (1, 2, 3).

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À propos de Kora Media

Kora Media se présente comme une société de média et d’actualités.

La page sur Facebook a été créée le 23 décembre 2021 sous le nom de Cora 24, puis rebaptisée le même jour Kora Media. Elle est gérée depuis le Mali, selon les renseignements fournis par la plateforme.

Elle est localisée à Moribabougou, dans la périphérie de Bamako, la capitale malienne. Elle est liée à un numéro de téléphone portable malien et à un compte du service de courrier électronique de Yahoo.

Africa Check a plus d’une fois vérifié ses publications contenant, d’après les résultats de nos recherches, des photos non créditées, hors contexte ou trompeuses.

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Une photo prise en octobre 2014 à Koflatie (Koflatiè), dans le sud du Mali

Pour la recherche inversée d’images, nous avons utilisé des outils dédiés, dont TinEye, Google Lens et la recherche visuelle de Bing, qui ont permis de constater que la photo n’avait pas été prise sur le site où des dizaines d’orpailleurs ont péri dans l’effondrement d’une mine le 19 janvier 2024 au Mali.

En affinant les résultats avec des moteurs de recherche habituels, nous avons constaté que la photo d’origine a été réalisée le 28 octobre 2014 à Koflatie (ou Koflatiè ou encore Koflatye), autre site d’orpaillage dans le sud du Mali, et qu’elle a été diffusée par l’AFP.

Koflatie est un village situé dans le département de Yanfolila, dans la région de Sikasso (sud), proche de la frontière avec la Guinée.

Nous avons retrouvé la photo d’origine sous le numéro de référence 000_PAR8047283 sur AFP Forum, la plateforme d’accès aux contenus de l’AFP, sous la signature de Sébastien Rieussec. Elle présente « une vue des nombreux puits de tunnel utilisés par les chercheurs d'or à Koflatie, au Mali, le 28 octobre 2014 », selon la légende.

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Cette image figure parmi une série de photos de Rieussec sur le même site, à la même date, consultables sur AFP Forum.

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Nous avons également retrouvé une partie de ces photos dans les archives de la banque de visuels en ligne Getty Images, mais pas celle de la publication vérifiée.

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Depuis sa diffusion, la photo de la publication vérifiée a été utilisée par divers médias pour illustrer leurs articles. Des internautes y ont aussi recouru pour leurs posts, sans prendre le soin de la créditer pour certains.

Sébastien Rieussec est un photographe français ayant vécu une quinzaine d’années au Mali, où il a notamment couvert l’actualité pour le service vidéo de l’AFP. Il a quitté le Mali en 2018 pour la France, où il est décédé en novembre 2021, selon l’agence photographique internationale Hans Lucas avec laquelle il collaborait.

L’or, importante source de revenus pour le Mali

Au Mali, l’extraction de l’or est une activité économique majeure, et une importante source de revenus d’exportations, d’après les autorités maliennes et des sources spécialisées.

Dans le pays, « en 2022, la production d'or a été de 72,2 tonnes dont 6 tonnes pour l'orpaillage artisanal », a indiqué le ministère malien des Mines le 7 mars 2023, ajoutant : « Cette tendance en augmentation devrait continuer en 2023 ».

Des statistiques similaires, avec plus ou moins de précisions, figurent dans des documents officiels ou spécialisés évoquant le sujet, à l’instar du rapport de la Banque africaine de développement (BAD) pour le Mali pour 2023, dit « Rapport pays 2023-Mali », publié en octobre 2023.

Ce rapport de 56 pages évoque (page 35) une « hausse de la production d’or du pays, qui a plus que doublé, passant de 31,7 tonnes en 2000 à 72,2 tonnes en 2022, issues des mines d’or industrielles en activité (62,2 tonnes) et de l’orpaillage traditionnel dont la part est actuellement estimée à 6 tonnes par an (contre 3 tonnes en 2000) ».

De même source, « le secteur minier malien se caractérise par la prédominance de l’or, qui représente 99 % de la production minière. Sa contribution à l’économie était estimée à 9,2% du PIB (produit intérieur brut, NDLR) en 2021, 80,2 % des exportations en 2021 ». En 2021 également, « 99 permis de recherche ont été attribués » par le Mali au sous-secteur de l’or « contre 14 pour les autres sous-secteurs miniers », est-il indiqué dans ce document.

Par ailleurs, le Mali s’est doté en août 2023 d’un « nouveau Code minier permettant à l’État de prendre jusqu’à 30 % de participation dans les nouveaux projets et d’augmenter les revenus tirés d’un secteur capital pour l’économie nationale », a rapporté notamment le magazine Jeune Afrique dans un article mis en ligne le 30 août 2023.

Dans le pays, les mines industrielles d’exploitation d’or en service sont situées principalement dans les régions de Kayes (ouest) et Sikasso. Plusieurs zones d’orpaillage sont recensées dans les mêmes régions ainsi que celle de Koulikoro.

Les sites d’orpaillage, « théâtre d’éboulements meurtriers »

Dans sa dépêche du 24 janvier 2024 mentionnée plus haut, l’AFP a rappelé qu’au Mali, les sites d'orpaillage étaient « régulièrement le théâtre d'éboulements meurtriers, l'activité étant dangereuse et les autorités peinant à contrôler l'exploitation artisanale » de l’or.

Dans sa publication du 25 janvier 2024 sur Facebook, le ministère des Mines a indiqué que lors de sa visite dans la zone de Kangaba où s’est produite la tragédie, la délégation ministérielle avait pu voir « la galerie de fortune où des centaines de jeunes continuent l’exploitation de la carrière au mépris de leur vie », et que les détenteurs du permis minier de la zone concernée ont été plusieurs fois confrontés à des orpailleurs illégaux peu regardants sur leur sécurité.


Article rédigé par Faysal Arnold Boukary, complété et édité par Coumba Sylla.

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