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Montage / Africa Check

Cette photo ne montre pas un policier en civil malmené par des manifestants lors des violences de juin 2023 au Sénégal

EN BREF - Il s’agit d’une scène photographiée en avril 2015 en Afrique du Sud, dans un contexte de violences xénophobes dans ce pays.

La page Facebook Senewap TV a partagé le 2 juin 2023 une photo présentée comme étant celle d’un policier en civil en train d’être malmené par des manifestants à la Cité Keur Gorgui, à Dakar, au Sénégal, alors que le pays était à la même période en proie à des troubles meurtriers.

Contexte

Cité Keur Gorgui est le quartier dakarois où réside Ousmane Sonko, chef de parti, adversaire politique de l’actuel président sénégalais Macky Sall et candidat déclaré à l’élection présidentielle de février 2024 au Sénégal. Cet opposant, qui dirige le parti Pastef (Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité ou encore Les Patriotes), est par ailleurs maire de Ziguinchor, une des grandes villes de la région naturelle de la Casamance (sud du pays).

Suite à une plainte en 2021 pour viols et menaces de mort par une jeune employée d’un salon de beauté dont il était client, Sonko a été jugé en son absence - il était alors à Ziguinchor - par une cour criminelle qui a rendu son verdict le 1er juin 2023 : il a été condamné à deux ans de prison ferme et 600 000 francs CFA (plus de 900 euros, près de 1 000 dollars américains) pour des faits requalifiés en « corruption de la jeunesse ».

« La ‘corruption de la jeunesse’, consistant à débaucher ou à favoriser la débauche d’un jeune de moins de 21 ans, est un délit selon la loi sénégalaise, et non pas un crime comme le viol, a expliqué à l’Agence France-Presse un avocat présent à l’audience, Maître Ousmane Thiam », est-il précisé dans un article publié le 1er juin 2023 par le site Afrique du quotidien français Le Monde (Le Monde Afrique).

Ousmane Sonko et ses partisans ont dénoncé un complot pour lui barrer le chemin de la présidentielle. Des manifestations de colère, certaines marquées par des violences, ont émaillé différentes étapes de la procédure ou les décisions le visant, comme fin mai 2023, après qu’il a été ramené de force à Dakar par la gendarmerie alors qu’il effectuait une « caravane » dans le sud du pays. L’annonce de jugement rendu le 1er juin 2023 a été suivie à Dakar et dans plusieurs villes de violences ayant fait plusieurs morts (seize personnes tuées selon le gouvernement sénégalais, au moins trente selon Pastef). Dans un communiqué diffusé le 8 juin 2023, la Croix-Rouge sénégalaise, une organisation humanitaire, a fait état d’un décompte de près de 400 blessés secourus (« 357 manifestants » et « 36 éléments des forces de défense et de sécurité ») « à Dakar et sa banlieue ainsi qu’à Ziguinchor » à l’issue de deux jours de troubles, les 1er et 2 juin 2023.

À propos de la publication de Senewap TV

La photo publiée le 2 juin 2023 par Senewap TV montre un individu vêtu d’un pantalon de couleur claire et d’un T-shirt clair à larges bandes sombres tentant de se protéger d’une agression en bande. Nous voyons distinctement certains hommes autour de cet individu lui donner des coups de pied. La scène se passe en extérieur, dans un environnement urbain, au pied d’un feu de signalisation. Plusieurs dizaines de personnes y assistent, sans intervenir. La publication est assortie du texte suivant (reproduit tel qu’écrit, NDLR) : « Cité Keur Gor-Gui: un policier civil a été sauvagement battu par les manifestants. Finalement il est décédé 😭 Rip 😭😭 ». La page ne fournit pas d’autres détails.

Capture d'écran de la publication

 

À propos de la page

Cette page se présente comme une chaîne de télévision. Elle existe depuis le 13 avril 2020 et elle est gérée depuis le Sénégal, comme l’indiquent les informations fournies à sa création.

 

Capture 2 Meta relu CS Senegal-politique-justice-violences-police-AfSud

 

La page est associée à un site, Senewap, qui n’est plus accessible.

 

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Ce n’est pas la première fois qu’Africa Check vérifie une publication de Senewap TV sur Facebook

Lire notre article : « Cette photo de manifestants fuyant au milieu de gaz lacrymogènes n’a pas été prise au Sénégal lors des violences de juin 2023 ».

Une photo prise en avril 2015 en Afrique du Sud

La photo présentée par Senewap TV dans sa publication du 2 juin 2023 sur Facebook comme étant celle d’un policier en train d’être malmené par des manifestants dans un quartier de Dakar vient en réalité de l’Afrique du Sud et elle date d’avril 2015, selon les résultats de notre recherche inversée d’images.

L’outil de vérification d’images InVID permet de la retrouver dans un article mis en ligne le 16 avril 2015 par le site Afrique du diffuseur public britannique BBC (British Broadcasting Corporation). Selon la légende, il s’agit d’une photo de l’Agence France-Presse (AFP) prise le 15 avril 2015 à Johannesburg, capitale économique de l’Afrique du Sud, alors que ce pays la proie de violences xénophobes. D’après la description, l’homme malmené est « un chauffeur de taxi local » qui était « bousculé lors d'un affrontement avec des ressortissants étrangers dans le quartier des affaires » de Johannesburg.

 

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Violences xénophobes en 2015 en Afrique du Sud

Nous retrouvons la même photo avec des précisions sur son auteur et la scène dont il a été témoin dans un article publié le 16 avril 2015 par l’AFP sur son blog en français, « AFP Making-of - Les coulisses de l’info ». Ce texte et les photos qui l’illustrent, dont celle que nous vérifions, sont de Marco Longari.

Et sa légende est plus précise que celle rapportée par BBC : « Un chauffeur de taxi sud-africain ayant proféré des insultes xénophobes pendant un incident de circulation est roué de coups par des immigrés africains dans le centre de Johannesburg, le 15 avril » 2015.

 

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Dans l’article de blog, Longari explique que la scène de l’agression qu’il a immortalisée a été déclenchée par « un banal incident de circulation » à un carrefour où il s’était posté avec des collègues après avoir eu vent « de pillages imminents dans le centre-ville », avec des magasins tenus par ressortissants originaires d’autres pays d’Afrique. Au même carrefour, s’étaient rassemblées « plusieurs centaines de personnes, prêtes à en découdre avec d’éventuels agresseurs ». Un des ressortissants africains a été accroché par un minibus dont le chauffeur, un Sud-Africain, lui a lancé une insulte xénophobe.

L’homme ayant proféré l’insulte a été « immédiatement pris à partie par la foule, extrait de son véhicule et roué de coups de pied ».

Dans le texte de Marco Longari publié le 17 avril 2015 par l’AFP sur son blog en anglais, AFP Correspondent, nous pouvons voir une image témoignant de cet instant : le même homme en pantalon clair et T-shirt clair à larges bandes sombres est bousculé cette fois par deux individus, sous le regard de quelques autres.

 

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Selon le texte en français de Longari, d’autres Sud-Africains sont intervenus, entraînant une « bagarre générale à coups de poing, de pied et de pierres ».

En avril 2015, Durban, ville côtière dans la région du KwaZulu-Natal (est du pays), a été le point de départ de « manifestations de violences contre les immigrés » en Afrique du Sud, ayant une douzaine de morts en deux semaines, d’après un article publié le 17 avril 2015 par Le Monde Afrique.

Article rédigé par Fatoumata Bintou Ba, complété et édité par Coumba Sylla.

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